Les amants criminels ont su très tôt fédérer tous les fantasmes cinématographiques : entre le glamour et la violence, contre une société qu’on traverse par une fuite en avant à l’issue incertaine, la dynamique est fertile. Peckinpah, déjà bien rodé dans sa vision sans concession d’une humanité violente et cynique, ne peut que s’intéresser à pareille thématique pour la contaminer de ses pensées noires.


Dès le départ, tout déraille, à l’image de ce générique mécanique qui ne cesse de se gripper, tout comme les demandes de libérations anticipée de McCoy. Et ce ne sont pas les retrouvailles avec sa dulcinée qui vont arranger les choses : sur ce terrain aussi, la gangrène s’est répandue, comme elle l’a fait sur le coup qu’on lui propose et la quasi-totalité des gens qu’ils vont croiser, qu’ils soient du côté de la loi ou des leurs supposés complices. C’est sur le terrain de la sexualité, ce langage des alcôves, que les dégâts semblent les plus grands : une incapacité honteuse pour le héros, écho évident à celle du mâle dans Bonnie & Clyde, et un stupre aussi débridé que cruel pour le couple improvisé dans le récit parallèle, en miroir inversé sous forme d’evil twin. Une héroïsation mesurée, donc, pour des héros en fuite, mais sans le panache de leurs ainés, et pour qui une des étapes se fera dans un camion poubelle.


Seule la violence et l’action redonnent ses lettres de noblesse à l’expédition. Armé d’un sens aigu de l’alchimie visuelle, Peckinpah ménage plusieurs séquences fantastiques, que la musique de Quincy Jones accompagne avec une évidence rare, à l’égal de l’osmose présente entre Morricone et & Leone. Vitesse, fusillades, admirable gestion de l’espace par une multiplication des prises de vues et du sens du détail confèrent une fluidité imparable aux braquages comme au règlement de compte.


Chez Peckinpah, l’image prend souvent le pas sur le reste : le montage alterné, abrupt, rend la narration acérée et ménage de longues scènes sans dialogue : les trognes hirsutes, comme pour Alfredo Garcia, se suffisent à elles-mêmes, et le road movie vers la frontière se dispense de grands discours : tout est affaire de dynamique. Par la gomme qu’on laisse sur le bitume, et le plomb dont on leste les traîtres.


Alors, peut-être, hors cadre, la paix sera envisageable.

Sergent_Pepper
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le 4 déc. 2016

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Sergent_Pepper

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