
Malgré ses qualités techniques indéniables, son rythme plutôt maîtrisé et une réalisation spectaculaire, Gravity est loin d'être la révolution tant décrit ici et là. Pire même, Gravity est juste un bon blockbuster, ce qui est déjà, en soi, quelque chose d'honorable en 2013.
Mais étant un fan du réalisateur, j'en attendais évidement beaucoup plus qu'une maîtrise technique. C'est un fait que l'on connaît depuis quelques années déjà : Cuaron a le chic pour dynamiser un récit et offrir des plans-séquence haletants et prenants. Gravity ne fait que le confirmer, encore une fois de plus. Si la forme est encore une fois brillante (malgré deux trois couacs décrit un peu plus bas), le fond s'est fait la malle et Cuaron bascule dans le spectacularisme à outrance. Se reposant sur un récit classique et prévisible, le film ne surprend jamais de ce côté et pire accumule certains clichés. De plus, si certains parlent d'une véritable ode à la solitude voire au néant, ce que certaines scènes laissent esquissées de belle manière, l'épuisante présence de dialogues explose cela... surtout quand ces derniers sont mal amenés (sans spoiler : la scène du "chien" et la vodka sous le siège) et finalement assez risible. Certains parlent aussi d'immersion complète. Encore une fois, plusieurs scènes témoignent de cela (l'exemple le plus frappant étant la seconde moitié de la première séquence) mais Cuaron veut peut-être parfois trop en faire avec ses scènes subjectives au cœur de l'action, celles à l'intérieur du casque étant plutôt efficaces, qui ont eu pour conséquence de me sortir du film (pourtant, on sait que les scènes subjectives mélangés au reste ne fonctionnent pas) ou encore ces deux moments où un élément vient s'écraser contre la caméra alors que pleins d'objets traversent la caméra depuis le début du film (dommage d'utiliser cette gimmick de la 3D alors que le film la gère étonnement bien). Un mot sur la musique, qui offre des morceaux magnifiques (le final) mais qui tombe parfois dans le mickeymousing palliant à l'absence de bruit d'action (très bonne idée à la base). Du coup, le récit n'avance que pour aller à la scène d'action suivante et la réalisation n'a l'air qu'au service de cela. Quand le film se permet de creuser un peu, c'est très appuyé (la scène du fœtus, le final, les "cordons" etc.) et finalement assez convenu. Les deux personnages sont plutôt transparents même si celui de Clooney m'est sympathique. Pour le personnage de Bullock, le potentiel de changement est amené avec des gros sabots et on s'en fiche un peu au fond (en plus d’alourdir les tentatives du film de ne pas être complètement creux et de casser cette impression de solitude totale que certaines scènes procurent au départ).
Si le pari esthétique, technique et rythmique de Gravity est réussi, l'impression d'avoir à faire à une attraction foraine est un peu déplaisante au final. Que restera t-il du film sans les conditions qu'offre un cinéma moderne (son dément, image énorme et 3D enivrante) ? Peut-être un souvenir de l'expérience, somme toute agréable, qu'a pu nous offrir le film en 2013 ? Mais pour ceux qui découvriront Gravity chez eux dans quelques années, sur un écran modeste, seront-ils aussi impressionnés que nous ? Ou se diront-ils avec gravité "voila ce qui faisait mouiller papa au cinéma ?"
En attendant de le savoir, tentons de profiter d'un moment, certes, complètement spectaculaire et au final un peu convenu mais drôlement bien emballé.