Un chef d’œuvre ? Quel chef d’œuvre ?

« Un ballet en apesanteur » (Le Figaro), un "éblouissement visuel aux vertus euphorisantes" (Le Monde), « Entre suicide stellaire et renaissance spatiale, matière noire et lumière bleue » (Libération)… Aux yeux des journalistes, Gravity est LE chef d’œuvre de l’année 2013, celui qui révolutionne la 3D mais au-delà, le cinéma lui-même ! Devant tant de louanges, je me suis empressée d’aller voir « le meilleur film sur l’espace jamais réalisé ». Venant de James Cameron, ce compliment laisse rarement indifférent.
Je reconnais que graphiquement, le film est sublime. Le spectateur est littéralement intégré à l’écran 3D et ne peut échapper à une impression de flottement comme si, à l’instigation des interprètes, il était lui-même emporté au-delà de la surface du globe. Mais cet atmosphère magique est vite pollué par un scénario sans saveur et une bande son omniprésente qui empêche le spectateur de s’imprégner pleinement de l’esthétisme visuel du film d’Alfonso Cuaron.

La beauté d’un film ne réside pas seulement dans la qualité de l’image. Nul besoin de quantités de péripéties pour rendre une histoire fascinante. En revanche, le talent d’un réalisateur se mesure à sa capacité d’intégrer ses personnages dans une atmosphère. Stanley Kubrick réussit parfaitement ce pari avec 2001 l’odyssée de l’espace. Si la technique est moins aboutie, elle est transcendée par un récit onirique qui emmène le spectateur bien loin de la salle de cinéma. De la même manière, le caractère contemplatif des films de Terrence Malick est indissociable du symbolisme de ses mises en scène.

L’histoire que nous raconte Alfonso Cuaron au contraire, se présente comme un mélo hollywoodien un peu trop grossièrement ficelé pour nous émouvoir. Pour faire court, le Docteur Ryan Stone part pour la première fois en mission dans l’espace et se retrouve confrontée au pire : sa navette est pulvérisée et elle est la seule survivante de l’équipage avec le commandant Matt Kowalsky. Alors qu’ils tentent de rejoindre la navette de secours, notre héroïne se demande si elle a envie de rejoindre la terre où, depuis la mort accidentelle de sa fille de quatre ans, personne ne l’attend vraiment. Le pathos atteint son comble lorsque Kowalsky, dont c’était la dernière mission, prend la décision de se sacrifier afin que Stone puisse rentrer au pays. On retrouve donc un peu la trame d’Armagedon, sauf que cette fois-ci Bruce Willis est remplacé par un George Clooney qui badine comme s’il faisait un remake spatial de la pub Nespresso et s’extasie devant l’aurore boréale aussi béatement que la pub Ricoré.
Le film ne serait cependant rien sans son happy end. Dans un moment de délire psychotique le docteur Stone coupe la pompe à oxygène jusqu’à ce que Kowalsky, venu tout droit du paradis, lui fasse réaliser qu’elle doit rentrer au pays. Finalement, rien de tel qu’une expédition catastrophe dans l’espace pour se rendre compte de la valeur de la vie sur notre bonne vieille planète terre. En plus, comme le souligne subtilement le scénario « ça fait de belles anecdotes à raconter !». Après avoir failli brûlée vive au décollage, Sandra Bullock manque de se noyer à l’atterrissage, mais malgré ses 3 minutes sous l’eau, elle parvient à s’extirper de la nacelle et, comme un symbole, se relève.

C’est beau Hollywood…
Alfonso Cuaron a beau dire qu’il a fait un film d’auteur, Gravity a en réalité tous les stigmates du blockbuster…
C-L
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le 29 oct. 2013

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C-L

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