J'ai remarqué, à mon regret, que je ne prenais jamais le temps d'élaborer une critique pour parler d'un film que j'aime. Bien souvent, c'est parce que je ne sais pas quoi en dire, quoi décrire, quels mots utiliser afin de transmettre ce que j'ai pu ressentir. Je ne suis pas certaine d'y parvenir aujourd'hui, mais je ne peux pas rester silencieuse suite à l'expérience Gravity. Je me lance donc dans la rédaction de mon ressenti, à chaud.

Lorsque j'entends le nom d'Alfonso Cuaron, je ne peux pas m'empêcher de l'associer à : l'homme qui a détruit Le Prisonnier d'Azkaban. J'ai été si déçue par cette adaptation, que mon esprit continue de l'associer uniquement à ce film et à le détester pour ça. Pour le commun des mortels, il est uniquement le génie qui a réalisé Children of Men. Et c'est cette pensée, qui finit toujours par me revenir et à me réconcilier avec lui, qui m'a donnée envie de voir Gravity.

Je suis entrée dans la salle vierge de tous propos, si ce n'est celui de la bande-annonce qu'on m'a décrite comme mensongère, alors qu'elle semble promettre un film d'action qui ne serait en réalité qu'un film d'ambiance. J'ai enfilé mes lunettes 3D en me disant que pour une fois, cette fameuse 3D allait peut-être servir à quelque chose, puisqu'on filmait l'espace. J'espérais également ne pas avoir mal à la tête en sortant, comme à chaque fois, et trouvais que ma place au 3ème rang était décidément fort dangereuse.
En sortant de la salle, j'avais complètement oublié toutes ces considérations bien futiles.

Il va sans doute me falloir quelques temps pour me décider à ce propos, mais je pense pour l'instant que Gravity représente l'une des plus grosses claques cinématographiques de toute ma vie ; si ce n'est la plus grosse. J'en suis sortie (et en suis encore) sonnée et abasourdie. C'est en tout les cas l'expérience cinématographique la plus extraordinaire qu'il m'ait jamais été donné de vivre.
Il est extrêmement difficile et délicat de mettre en mots ce qu'est ce film. Il n'est même pas question ici, pour moi, de scénario ni de personnages, ni même de comédiens, mais d'espace. L'espace m'a envoûtée, faite prisonnière, libérée, transportée. Jamais je n'ai eu cette envie dont beaucoup rêvent : aller dans l'espace. L'idée me fait même plutôt peur. Pour la première fois, pourtant, j'ai été subjuguée par ce que je voyais et j'ai souhaité, de tout mon coeur, me retrouver là-haut avec eux. Malgré la situation de détresse que les personnages vivent, malgré l'angoisse générée par les plans de Cuaron et la claustrophobie ambiante, j'ai eu envie de me retrouver là-bas, au risque d'en mourir, pour connaître la félicité d'un tel monde.
L'image du film est absolument époustouflante. Pas seulement de par sa beauté intrinsèque, mais aussi pour la maîtrise absolue dont fait montre toute l'équipe technique responsable de ce chef d'oeuvre visuel.
L'image (photographie et technique) est réellement sidérante. Je suis sortie de là persuadée que le film avait été réellement tourné en apesanteur, émerveillée par la lumière et les couleurs, par les mouvements de caméra. Une fois de plus, je suis épatée par les idées de Cuaron et leur mise en place. 'Comment diable a t-il fait ?', me suis-je demandé mille fois.
Pour la première fois également, la 3D m'a parue être une évidence, indispensable. Le spectateur est immergé dans cet univers à la fois merveilleux et effrayant. Réellement immergé. Pas une seconde je n'ai eu l'impression d'être dans une salle de cinéma. J'étais dans l'espace, pendant 1h31. Je le conseille donc vivement : allez voir ce film sur grand écran car jamais vous n'avez vécu une expérience semblable (sauf peut-être si vous avez eu la chance de découvrir en salle les premiers Star Wars ou 2001, l'Odyssée de l'espace).
Il s'agit vraiment d'une expérience sensorielle hallucinante. Ce film m'a pris aux tripes comme jamais. J'ai dévoré du regard chaque plan, vécu chaque son, me suis laissée transporter par la musique et le silence. "Il n'y a pas de son dans l'espace". Non, mais l'acoustique des corps créer une mélodie très particulière et très étrange, qui rend le travail sonore de ce film passionnant.
Bien loin d'être une experte, j'ai cru à tout, me suis sentie plonger dans un réalisme fascinant, à tous les niveaux.
Certes, le film n'est pas parfait. Je reproche une fois encore à Cuaron sa tendance à l'épique à outrance et quelques maladresses scénaristiques. J'en ai marre des discours qui poussent les gens à se surpasser, à croire en eux ou en l'humanité. Sans doute parce que je n'y crois pas. Pourtant, même si j'ai conscience de ces "erreurs", j'ai acheté le tout à 200%. La salle a réagi plusieurs fois, vers la fin en particulier, alors qu'un personnage joue de malchance et que cela peut presque être perçu comme une blague, tant Cuaron en fait "trop" ; mais même ça, ça ne m'a pas sorti du film. J'ai aimé voir le sort s'acharner, j'ai aimé vivre la grandiloquence de ce film. J'ai eu envie de croire à tout, même aux facilités larmoyantes (l'histoire personnelle de Ryan). J'ai vécu en immersion, j'ai pleuré, j'ai senti mon coeur s'emplir de bonheur, d'angoisse, d'espoir, de peur, d'apaisement. J'ai été émue, profondément, par cette histoire. Elle a touchée une partie de moi dont je ne soupçonnais pas l'existence et a su faire résonner en moi l'écho de choses enfouies. Cet aspect là est très personnel, mais il est aussi universel et c'est sur cela, je pense, que Cuaron a fondé tout son scénario.
Certains dirons que si la forme est sublime (je doute que cela puisse être remis en question), le fond est vide. Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation, sans être capable d'expliquer réellement pourquoi, mais cela reste une question de ressenti personnel. Certains dirons que la surenchère finale est grotesque, que certains éléments sont risibles : je comprends pourquoi et je suis d'accord, dans le fond, mais je n'ai pas VÉCU la chose ainsi. J'ai réellement adhéré à tout, et pourtant, je suis difficile à convaincre lorsqu'on parle d'espoir et d'humanité. Ce film m'a fait vivre une expérience inédite, sensationnelle et inoubliable (j'ai pioché dans le lexique des critiques de cinéma pour la pondre, celle-là), et je ne dis pas simplement ça pour faire une belle phrase d'accroche comme on en voit à tort sur toutes les affiches de ciné.
Je sors de la salle profondément marquée par ce film et presque triste à l'idée qu'il me faudra peut-être encore attendre des décennies pour revivre une expérience aussi forte. Ce film est ma plus grande surprise de l'année et une découverte exceptionnelle. J'aimerais pouvoir oublier son existence pour pouvoir le découvrir à nouveau.

Gravity est une expérience sublime. J'espère en tout cas, que vous la vivrez ainsi.
Black_Snape
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le 24 oct. 2013

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Black_Snape

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