C’est l’histoire d’un journaliste qui a tellement été pris par l’esthétique et la mise en scène d’un film dont l’action se situe dans l’espace, qu’il demande carrément au réalisateur lors d’une interview quelles ont été les difficultés de filmer dans l’espace. Malheureusement pour lui, il ne blaguait et devint vite la risée du web, mais heureusement pour le film et réalisateur, cette question franchement ridicule et drôle montre à quel point Alfonso Cuarón a maitrisé son œuvre d’un bout à l’autre, sachant nous emporter dans cette histoire spatialement impressionnante.

Le plus impressionnant est que l’on est tenu en haleine sans un baisse de régime pendant une heure et demie alors que tout se passe pratiquement en un seul endroit, et que le scénario doit probablement tenir sur une feuille ou deux. Mais ce n’est pas tant l’histoire qui compte que la puissance du symbole de ce film allié à son hallucinante réussite formelle. C’est quand même un film avec une production purement hollywoodienne, et pourtant le résultat est tout sauf proche de ce qui sort habituellement de cette usine à films parfois merveilleuse mais souvent trop commerciale. C’est une sorte de blockbuster Hollywoodien anti-Hollywood.

Déjà, on commence par un plan-séquence majestueux de 15 minutes qui, dès le début de cette aventure, nous colle à notre siège, passant de l’image de l’infinité tranquille de l’espace à la dangerosité extrême de celui-ci. Dans ce plan sublime, on retrouvera une inspection sous tous les angles de Sandra Bullock lors de sa dérive, la caméra passant très habilement de plans objectifs aux plans subjectifs où l’on semble condamné à errer éternellement avec elle (Sandra). Ensuite, Cuarón va enchainer les scènes d’action irréprochables où l’on se sent perdu à chaque seconde et les scènes plus calmes mais tout aussi oppressante où cette fameuse phrase que l’on aura lu sur l’affiche « Dans l’espace, personne ne vous entendra crier » prendra tout son sens, car d’un bout à l’autre du film, même lorsque l’on a enfin réussi à atteindre cette bonne vieille terre, nous doutons à chaque instant de ce qui va se passer par la suite, ne sachant jamais s’il y a une possibilité de s’en sortir.

C’est la grande force de ce film, en prenant place dans l’espace et en évitant de nous encombrer de trop de personnages inutiles, on se tient au principal, la peur, la vraie, face à cette immensité magnifique et des plus dangereuses, où l’on sait que jamais on ne pourra compter sur une aide qui va sortir de derrière un buisson, ou tout d’un coup apparaitre d’un hélicoptère dans le ciel, il n’y a que nous, et nous seul, pour nous en sortir.

Le choix des comédiens est aussi très intéressant : George Clooney habitué à des rôles de dragueurs et d’amuseur de la galerie qui souvent profite d’un large public en face de lui, montre là son vrai talent d’acteur, simple mais efficace ; Sandra Bullock, habituée aux comédies romantiques simplistes et sans âme est ici dans un rôle à contre-emploi, sachant montrer une palette d’émotions bien plus intéressante que dans presque tous ces films réunis, nous prouvant par la même occasion qu’elle sait très bien imiter le cri d’un animal. Ils forment tous les deux un excellent duo, tous deux habitués aux rôles de Hollywood, ce qui montre encore une fois la volonté de Cuarón à s’en détacher (de Hollywood), et encore une fois avec une réussite mordante.

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le 29 nov. 2013

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Northevil

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