De ma mémoire d'adulte, j'ai très peu de souvenir d'enfance. L'un d'entre eux se déroule alors que je devais avoir tout juste la dizaine d'année. J'étais au Grand Rex à Paris (plus grand écran de France à cette époque) avec mon père pour voir Independance Day. Les bandes annonces et pubs qui précédaient la séance étaient interminables, je n'en pouvais plus. Comme tous les gamins, j'étais bête et je voulais ma dose d'explosion, peu importe le scénario.

Alors que la dernière pub touchait à sa fin, la lumière se ralluma dans la salle, probablement le temps de changer de bobine. Et c'est à ce moment là qu'il arriva. L'écran géant du Grand Rex. Une gigantesque toile descendait lentement du plafond, couvrant l'intégralité du mur devant moi. Pour moi c'était proprement imaginable, je regardais à gauche à droite, les yeux grand ouverts, la bouche bée, j'avais l'impression que l'écran remplissait l'intégralité de mon champ de vision. Je me sentais minuscule face à ce monstre et quand le film commença j'étais effrayé, je me suis senti comme prisonnier de cet écran.

Le film qui s'en suivit n'avait rien d'exceptionnel mais pour mes yeux d'enfants, tout était grand. Juste grand. Je vibrait à chaque moment d'action, les vaisseaux aliens étaient partout devant moi, je ne pouvais pas y échapper. J'étais dans le film, prisonner, envahi. J'ai passé deux heures et demi les yeux ecarquillés à me perdre dans cet écran qui dépassait l'imagination.

Cela reste mon plus grand souvenir lié au cinéma. Je me suis souvent demandé s'il m'était possible de vivre à nouveau un tel instant d'émerveillement dans une salle de cinéma. Difficile à croire, j'avais grandi, j'avais vu des écrans de toutes tailles, mon sens critique avait aussi évolué et jamais je ne pourrais prendre mon pied avec un film d'action aussi stupide qu'Independance Day.

Pourtant je ressors de Gravity et pendant cette heure et demi, c'était bien le gamin d'il y a 15 ans dans ce siège de cinéma.

Le scénario est sans intérêt, il atteint même quelques grands sommets de débilité, le jeu d'acteur laisse a désirer, mais tout ceci n'avait que peu d'importance pour l'enfant qui était dans ce siège. Ce gamin, il regardait les images, il se sentait flotter dans l'espace, il était perdu dans cette immensité de vide, il tentait d'attraper les poignées de la station russe, il suffoquait, respirait et paniquait au même rythme que le personnage principal. Ce gamin, il a adoré le film.

Pourquoi m'etais-je transformé en enfant ? C'est une question que je me pose moi-même. Peut-être était-ce dû à la maîtrise parfaite de la caméra et de la mise en scène de Cuaron, ces changements d'échelle virtigineux, l'utilisation magistrale et justifiée de la 3D, l'intensité de l'action, le rythme maîtrisé et quasiment parfait du scénario, le montage sonore grandiose. Je n'en sais rien.

Cette fois-ci, l'écran n'avait rien de gigantesque mais il avait une dimension supplémentaire. La 3D de Gravity n'a rien à voir avec ces vulgaires portages 3D de films tournés en 2D, non Gravity c'est le premier vrai film 3D de l'histoire du cinéma.

Gravity n'est pas un film à voir, c'est un film à vivre.
adriantoine
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le 13 nov. 2013

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le 13 nov. 2013

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Adrien Antoine

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