Et c'est à la seconde précise de la réplique finale de la séance qu'on en a la certitude: ce que nous venons de voir est un excellent court-métrage vu dans sa version extended cut. Avec toutes les qualités afférentes à un exercice de ce style, quand il est réussi: de la fougue, de l'excès, du ridicule, du mémorable. Une façon d'affirmer un cinéma de genre, du bis, la tête haute.
Julia Ducournau a transformé l'essai: elle pourra taper à la porte des producteurs pour envisager la mise en scène de son premier long.
Retourner comme un végan
Allez, je le reconnais, je suis taquin. Ne boudons pas l'arrivée d'un si joli petit pavé dans la mare croupissante du cinéma français. D'autres avant lui ont provoqué un chouette remous, voire l'envolée d'un ou deux oiseaux du coin, mais pas de bol, il s'agissait sans doute de verdiers et de linottes, et très vite, les grenouilles productrices ont repris leurs coassements indolents, et les nénuphars atones de la comédie sans talent ont recommencé à couvrir l'entièreté du plan d'eau.
Espérons que l'onde cette fois, soit suffisamment forte pour inspirer de nouveaux envols.
Le monde appartient à ceux qui se (payent) les vétos
Car il y a plein de choses assez bonnardes autour de cette histoires de sœurs amatrices de chair fraiches. Une douce chronique des dérives d'une école d'excellence de notre bon pays. Une charge contre ses pratiques moyenâgeuses. Les thèmes abordés sont aussi nombreux que parfaitement collés au fond de l'air d'une époque qui ne semble plus mue que par ses tensions contradictoires: végétarisme, féminisme, sexualité, souffrance animale et foot de rue.
Le plus grand bonheur du film tenant sans doute dans sa façon de ne jamais annoncer clairement ce qui va suivre.
Exercer son doigt de retrait
Bon, et puis comment ne pas aborder dans les meilleures dispositions un film dans lequel deux actrices ne reculent devant aucune gageure (comme celle de pratiquer un concours de pipi debout), lorsque l'on réalise que cette nouvelle séance du groupe SC du sud-est était illuminée par la présence d'une auguste visiteuse, (me permettant ainsi de garnir une de mes listes favorites) en pleine découverte des milles et uns bonheurs et contradictions que peut offrir la plus ancienne et passionnante ville du pays, avec toute la mauvaise foi et les limites intellectuelles dont sont naturellement infligés en pareil cas les habitants du grand nord (c'est-à-dire au nord d'Avignon) ?
Enfin, et pour conclure, mentionnons que pour ne pas décourager les producteurs dont il était fait mention un peu plus haut, il était absolument vital qu'aucun d'entre eux ne fut assis aux côté de la joyeuse bande que nous constituâmes, Kenshin, FRCK, notre illustre invitée, une non moins délicieuse inconnue et moi, pour ne pas entendre nos commentaires goguenards devant la brochette de bandes annonces plus inconséquentes les unes que les autres qui nous fut servi en apéritif.
Bref. Au fond, Julia Ducournau l'a bien compris (et c'est bien là l'essentiel), c'est en mordant les lèvres du haut qu'on a le plus de chance de laisser un auditoire suspendu… à la suite de sa carrière.