Une étude sociologique et psychologique saisissante sur la délinquance juvénile



  • Vous n'avez pas réussi à identifier les gosses d'après le rapport ?

  • Il faisait noir. Je vous l'ai dit, il faisait noir. On n'y voyait rien.

  • Et que défendez-vous ? Le nom de cette boîte peut-être ? Votre poste ? Vous ne collaborerez avec nous que lorsque vous serez complètement estropié.

  • Ce n'est pas si grave que ça.

  • Vous avez été malade pendant une semaine, et vous dites que ce n'est pas grave.

  • Mais que voulez-vous que je fasse voyons.

  • Porter plainte. Je trouverai surement vos agresseurs et s'il le faut je virerai tous les gosses de l'école.

  • Ouais, ça n'arrangerait absolument rien.

  • Monsieur Dadier, de ces voyous j'en ai vu par milliers dans ma carrière. Des gosses qui venaient de tous les côtés, qui n'avaient pas plus de 5 ou 6 ans quand il y a eu la guerre. Leur mère travaillait, car leur père était mobilisé. Aucun foyer. Aucune vie spirituelle. Nulle part où aller. Ils ont pris l'habitude de vivre dans la rue par bande organisée. Nous sommes dépassés.



Avec Graine de Violence, le réalisateur Richard Brooks présente une étude sociologique et psychologique à travers un drame d'une intelligence étonnante axé sur la délinquance représentée par une sombre et percutante agressivité chez les jeunes, soulignant la difficulté de l’enseignement dans les quartiers difficiles. Une délinquance matérialisée par des mineurs qui semblent tenir toujours plus en échec les institutions traditionnelles, que sont l'encadrement scolaire, la famille... L'intelligence de cette oeuvre se trouve dans sa conception originale et nuancée. En effet, si le cinéaste dresse un portrait peu flatteur de la jeunesse, il en fait de même pour le système éducatif totalement en défaillance devant l'instruction scolaire des mineurs abandonnés, délaissés et rejetés par les professeurs qui ont renoncé au professorat devant la difficulté d'une jeunesse qu'ils ne comprennent plus.


Une critique courageuse que Richard Brooks pousse toujours plus loin, allant jusqu'à maltraiter l'idéologie américaine en dénonçant les trop nombreuses guerres auxquelles l'oncle Sam à participé et qui sont directement responsables de cette fracture générationnelle. Une jeunesse qui n'a eu comme autres choix que de se débrouiller seule dans les rues, l'armée ayant asséché le cercle familial en enrôlant les pères des milieux pauvres, obligeant inéluctablement les mères à quitter le foyer pour travailler et compenser la perte du mari, délaissant ainsi leurs enfants. Des résultats dramatiques qui conduisent à souligner l’importance de la conflictualité des familles dans lesquelles ont souvent grandi ces jeunes délinquants; conflictualité dégradant les relations entre parents et enfants, générant un nombre élevé de violences intrafamiliales et ruinant les capacités de l'apprentissage scolaire, favorisant le risque de la délinquance chez les adolescents. Une lutte générationnelle alimentée par de nombreux préjugés, qui ne trouve son salut nulle part.


Une dure réalité que montre crument le cinéaste en ajoutant de la justesse et de l'authenticité. Un constat horrible des jeunes des milieux défavorisés donnant naissance à un noyau dur de délinquants multirécidivistes qui empoisonne l'école et les quartiers, que Richard Dadier(Glenn Ford), jeune professeur d'anglais d'une classe difficile, va tenter dans un premier temps d'éradiquer par la force et les préjugés raciaux, pour finalement essayer de les sauver en tentant de tisser un lien avec eux, via la compréhension et la patience, avant de pouvoir passer à l'enseignement. Seulement, les plaies sont très profondes et le combat promet d'être long et rude. Une oeuvre éclairée, novatrice et engagée, abordé avec nuance, qui pose un portrait dramatique saisissant, où les opposés s’affrontent dans une vaine lutte, où chacun ont leurs torts et leurs raisons, bien que cela ne disculpe nullement certains actes odieux commis par certains personnages.


À travers une réalisation immersive, une mise en scène solide, une ambiance bien pensée et des graphismes sombres, Richard Brooks aborde avec subtilité les différents thèmes de son oeuvre, livrant quelques scènes sanglantes et violentes perpétuées par le comportement agressif et dangereux, de la caméra qui n'épargne rien. La musique joue également un élément important avec des titres connus de rock'n roll ainsi que du jazz, présent tout du long de l'intrigue. Les acteurs sont tous très convaincants : Glenn Ford en tête, qui livre une performance impeccable. Le comédien prouve une fois de plus son talent en montrant son ambivalence à travers des rôles très différents. Comme quoi, il n'y a pas qu'avec une tenue de cowboy, pistolet en main, à dos de cheval plongeant vers le soleil couchant, que Glenn Ford crève l'écran. Obligé de rendre également un hommage à tous les seconds rôles qui font un travail d'incarnation stupéfiante, avec en tête le personnage Gregory W. Miller incarné par un Sidney Poitier bien jeune.


CONCLUSION :


Graine de Violence réalisé par Richard Brooks est un film engagé et novateur qui reste encore aujourd'hui terriblement d'actualité avec son histoire sombre, à l'origine de sujets graves. Une oeuvre intelligente allant à l'encontre des préjugés dans laquelle Glenn Ford brille de mille feux dans le rôle du professeur d'anglais "Richard Dadier".


À voir absolument !



Notre système éducatif est fondé sur la confiance que nous avons en notre jeunesse. Le problème de la délinquance juvénile devient particulièrement aigu quand il envahit l'univers scolaire. Les scènes décrites ici sont imaginaires, mais pour lutter contre le danger, il faut d'abord le connaître. C'est dans ce but que nous avons tourné "Graîne de Violence".


B_Jérémy
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le 29 janv. 2021

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