Avant d'être une dangereuse mythomane, Amy Dune a été "l'Amazing Amy": ses parents ont fait d'elle, dans sa jeunesse, une adorable petite héroïne de livres pour enfants. Dans sa vie de couple, Amy voudrait encore être "amazing", mais le film de Fincher - toujours très distant, très ironique - la présente comme un ancien personnage de fiction incapable de fabriquer son propre roman. Tout ce qu'elle a élaboré est médiocre, du mauvais jeu de pistes autour de sa disparition (une lettre cachée dans le tiroir d'une commode, un journal à moitié brûlé: n'importe quoi) à son évanouissement dans les bras de Nick, au moment de revenir dans son foyer. Et Fincher ne se prive jamais de souligner cette médiocrité, avec une finesse qui devrait convaincre ceux qui voient encore en lui un faiseur, voire un réalisateur de films du dimanche soir. Il y a par exemple beaucoup d'ironie dans cette scène où, après sa disparition, Amy change d'apparence, comme un personnage de film noir. Mais le mauvais scénario qu'elle a écrit ne trompe personne : alors qu'elle songe à l'issue tragique de son histoire, au point de s'imaginer morte au fond d'un lac comme Shelley Winters dans "La Nuit du chasseur", elle arrive dans un motel, comme Janeth Leigh dans "Psychose", non pour y mourir par pour se faire détrousser par un couple white trash.

On pense encore à Hitchcok lorsqu'après le retour d'Amy, Nick se déshabille pour la rejoindre dans une très grande cabine de douche, aux vitres transparentes. Amy, couverte du sang du pauvre Collins, son ancien petit ami, quitte sa peau de femme criminelle pour redevenir une sage housewife. Un plan sur les pieds de Rosamund Pike et sur la bonde de la douche rappelle immédiatement la scène fameuse de "Psychose". Mais Fincher ne cherche pas, comme De Palma, à se mesurer au maître en dépliant une scène d'anthologie, il fait plutôt du Hitchcock à la mesure de personnages, c'est-à-dire du Hitchcock bas de gamme. Les vitres de la douche sont transparentes, il n'y a pas de rideau : aucun mystère, aucun désir, juste une froide explication. Nick ne peut pas tuer sa femme, il est piégé: il a beau lui dire "je vais te quitter", il reste là, dans cette douche aux parois de verre qui résume parfaitement le registre de terreur froide qui est celui sur lequel s'achève le film. Dans le roman de Gillian Flynn, Nick disait, pour conclure : « Notre histoire est celle d'un interminable pic de terreur».
chester_d
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2014

Créée

le 23 oct. 2014

Critique lue 417 fois

2 j'aime

chester_d

Écrit par

Critique lue 417 fois

2

D'autres avis sur Gone Girl

Gone Girl
Sergent_Pepper
8

Amy pour la vie

Brillantes, les surfaces de verre et les chromes étincelants des 4x4 d’une suburb impeccable du Missouri. Brillante, la photographie d’un univers bleuté, haut de gamme, au glacis de magazine. Beaux,...

le 22 oct. 2014

223 j'aime

22

Gone Girl
Kobayashhi
8

Lettre ouverte...

David Fincher, Il a fallu attendre que tu entres dans ta cinquième décennie pour réaliser ton plus beau film, il faut dire que contrairement à certains je ne t'ai jamais réellement voué un culte...

le 10 oct. 2014

180 j'aime

12

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

Du même critique

Les Garçons sauvages
chester_d
3

Expérience de laboratoire

En septembre dernier Bertrand Mandico réalisait le clip d'une chanson de Calypso Valois: dans ce petit film de cinq minutes, un esthète présentait à ses hôtes, lors d'un dîner, sa nouvelle...

le 10 mars 2018

35 j'aime

6

Trois souvenirs de ma jeunesse
chester_d
4

Feuilles mortes

Arnaud Desplechin a retrouvé ses vieilles lettres d'amour. Et avec elles les souvenirs d'une jeunesse studieuse, que son film situe entre le lycée Baudelaire de Roubaix et les couloirs de la fac de...

le 26 mai 2015

24 j'aime

Un homme idéal
chester_d
1

Les Pistolets de Pouchkine

Un homme idéal commence comme un conte social : un jeune déménageur (Pierre Niney) découvre dans une maison un manuscrit écrit par un soldat français pendant la guerre d'Algérie. Le texte, sobrement...

le 18 mars 2015

20 j'aime

7