Lui ouvrir le crâne… pour savoir ce qu'il y a dedans.


On essaie toujours de montrer la meilleure image possible de nous-même dans le but de séduire une personne, alors qu'on oublie que, peut-être, elle fait exactement la même chose au même moment. C'est pour cette raison qu'il doit y avoir une sorte de décalage dans la vraie vie, quand on découvre la vraie nature de l'autre… - Fincher



À écouter en lisant ce texte…


C'est à la fin de la séance, lorsque le générique retentit et que l'on peut capter cette ambiance particulière et palpable dans la salle de ciné... encore tout frissonnant et secoué, que l'on sait qu'on a affaire à un grand film. Les couples sont refroidis, ou au mieux, interpellés. Fincher a encore frappé. Gone Girl, tout comme le roman de Gillian Flynn dont il est tiré, est fait pour bousculer les esprits et réussit son principal objectif avec brio. Le "thriller" est glauque, surprenant, absurde, sombre à souhait et surtout pessimiste. La vision qu'il porte sur les relations intimes de notre siècle est frappante.


Le mariage n'est pas un problème pour Nick Dunne (Ben Affleck) et Amy (Rosamund Pike), car ces deux là représentent le couple parfait tant ils sont bien ensemble. Mais puisque rien ne peut durer éternellement (qu'est-ce que vous croyez?) et de nos jours plus que jamais, les deux écrivains/journaleux mariés depuis cinq ans, désormais au chômage mais bourrés d'imagination, décident de se mentir. Peu à peu, l'étonnante complicité des débuts disparait, et les non-dits, ces maîtres silencieux de nos destins se font de plus en plus nombreux. D'abord, le mystère de la disparition. Puis l'on se retrouvera bientôt dans la peau des deux, alternativement. Le spectateur comprendra ce que chacun pense et pourquoi, à partir de quel moment l'un considère que l'autre commet une erreur et comme d'habitude, tout n'est qu'une histoire de point de vue... On passera par tous les états. On le traitera de bel enfoiré, puis on la qualifiera aussi d'épatante salope, comédienne timbrée, c'est selon… En attendant, le temps passe et les pièces du puzzle s'assemblent. Fincher, une fois encore, fait de nous ce qu'il veut.


L'autre axe principal du film repose sur cette critique acerbe, cette satire du monde médiatique et de la société dans son ensemble, avec ce règne des Apparences (le titre français du roman), où la vérité n'a finalement pas plus d'importance que ce que l'on veut bien croire. Les apparences sont partout dans Gone Girl : on ne sait jamais si les personnages sont honnêtes tant ils sont difficiles à cerner. Il y a les mensonges. Au sein du couple évidemment, mais aussi avec les journalistes en tous genres, tous les flics chargés de l'enquête, et l'ensemble du peuple américain qui ne se base que sur la partie visible de l'iceberg pour émettre leurs soupçons, avis et accusations. La vie privée de Nick est jetée en pâture aux médias du jour au lendemain. "L'épatante Amy" la sur-diplômée, beauté froide et cruelle, est déjà un personnage public depuis son plus jeune âge en tant qu'héroïne de bédé populaire créer par ses parents qui s'inspirent d'elle… Et puis il y a ce que le "roi manipulateur Fincher" et la talentueuse Flynn au scénario arrivent à nous faire croire jusqu'au dénouement final, déroutant, surréaliste et incertain, ou l'on en viendrait presque à se demander si tout ce qu'on a vu dans le film est bien réel… ou simplement dans la tête du narrateur.


Le perfectionnisme du réalisateur est toujours poussé à l'extrême. Jeff Cronenweth, le directeur de la photo avec lequel Fincher a déjà collaboré sur Fight Club, Social Network et Millénium a encore fait des miracles. Les couleurs sont froides comme il faut et conviennent à merveille à l'ambiance générale, tout comme la bande son du très cher Reznor & d'Atticus Ross (aussi sur Social Network et Millénium) qui comme à leurs habitudes font du son de qualité, bien pesant et approprié à chaque situation... Les acteurs sont d'une justesse incroyable sans exception, la réalisation est parfaite même si dans l'écriture, des questions de cohérence ou choix scénaristiques peuvent parfois rendre curieux. Mais l'essentiel est ailleurs, car Gone Girl est une adaptation géniale, un film violemment poétique, agréablement dérangeant, qui interpelle et qui te fait cogiter intensément des heures encore après le générique : c'est remarquable.

Smay
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le 10 oct. 2014

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