Adaptation des aventures des détectives Kenzie et Gennaro de l'excellent romancier américain Dennis Lehane, ce film nous plonge dans une enquête à tiroirs où la ville de Boston est à l'honneur. En celà, il pourrait être considéré comme une version polar du "Will Hunting" déjà scénarisé par Ben Affleck. On sent tout l'intérêt qu'il porte à cette communauté, entre exaltation d'une certaine solidarité des classes populaires et dénonciation de comportements sordides, souvent causés par la drogue ou l'alcool (racines irlandaises obligent). Ainsi le film dépeint des personnages glauques (le trio de pervers toxicomanes est particulièrement réussi mais trop peu exploité), fonçant droit dans le mur (la mère "éplorée", Ed Harris en flic qui perd le contrôle des opérations) ou désemparés devant leurs propres manquements (le personnage joué par Titus Welliver) mais ne peut s'empêcher de noyer tout ça dans une ambiance dégoulinant de bons sentiments dont les américains ont le secret (cf. Morgan Freeman en policier exemplaire passant outre ses principes par bonté d'âme). Et c'est lorsque la guimauve surpasse la fange que l'on s'aperçoit qu'Affleck est aussi lisse comme réalisateur que comme acteur, comme s'il refusait que cette communauté soit réduite à ses mauvais côtés et voulant à tout prix en montrer un visage plein d'espoir.
Mais cette tendance à la fadeur bien-pensante n'est pas le principal défaut du film selon moi...
Ayant lu quelques-unes des aventures du duo de détectives, le traitement réservé au personnage d'Angela Gennaro ne rend pas justice à ce qu'elle est dans les romans de Lehane. Ici elle s'efface complètement devant son acolyte, devient un personnage sans cesse au bord des larmes (la mièvrerie chronique de Michelle Monaghan y est peut-être pour quelque chose), alors que dans les romans elle aussi fracasse les méchants à grands coups de talon dans la gueule. D'autre part, la relation entre les deux protagonistes passe du couple heureux à l'indifférence totale sans prévenir alors que l'intérêt des romans repose pour beaucoup sur une tension amoureuse presque inavouée entre eux. De même, la relation de Kenzie avec les voyous de son quartier d'enfance, oscillant, dans les romans, entre une tension palpable et un humour noir savoureux est ici survolée (le personnage de Booba, petit truand au bras long, sorte de Huggy les Bons Tuyaux blanc et sans pitié, n'est ici qu'un camarade de fusillade vite oublié).
"Gone Baby Gone" n'est pas vraiment un mauvais film...pour qui n'a jamais lu l'oeuvre de Lehane. Ceux qui voulaient retrouver l'ironie désabusée des dialogues, la relation torride et complexe du couple, les scènes d'action aussi soudaines que violentes et une vision bien crade des rues de Boston seront en partie déçus...
Seule la prestation de Casey Aflleck sauve un peu le film, il y a au moins un acteur potable dans la famille...