Conclure est un art délicat

En toute sincérité je ne savais absolument pas comment noter cette expérience en sortant de la salle. Même maintenant, je ne suis pas certain de ce 5.

J’attendais beaucoup le film, la bande-annonce ayant été poutresement enthousiasmante. Après Cloverfield, après Pacific Rim, voilà que l’illustre Godzilla allait enfin avoir droit à un revival digne de ce nom.

Assurément, c’est beau. Assurément, certains plans sont magiques, tels ces F35 tombant comme des mouches, ce monstre qui croise le regard humainement pathétique du héros, ce pilote surgit de la brume en parachute, bientôt suivant du crash de son zinc. Les auteurs ont eu l’idée géniale de reprendre le design originel du monstre, le scénario est réussi quant à cette lutte épique de monstres sur le dos de Dame Nature. Oui, j’ai adoré la fatality du baiser de la mort de Godzilla. Mais voilà, j’ai aussi un cerveau.

Les quelques réelles qualités exposées plus haut ont bien du mal à rattraper l’indigence intellectuelle terrible qui soutient le scénario. Le militaire héros qui a sa gonzesse infirmière. Ces abrutis de militaires qui, bien que sachant que le monstre a résisté à des attaques nucléaires, envoie des M1 Abrams et des trouffions de base au contact armés de leurs flingues. Ces navires qui s’alignent à la parade pour le simple fait de pouvoir disposer d’un plan qui les voit valser. Cette bulle d’EMP dont on nous bassine sur ces dangers pour que, quelques instants plus tard, on voit les zincs tomber comme des mouches parce que pris dans … une bulle d’EMP. Cet espace-temps de folie où le héros semble traverser en une journée de Pacifique en aller-retour, où une flotte menée par le Porte-Avion Saratoga traverse la distance Hawaï San Francisco (3900 km) en quelques heures à la vitesse de 30 nœuds (merde amiral Godzilla accélère, il fait du 33 nœuds maintenant !)... Indigence de ce héros qui s’impose directement auprès du premier officier venu comme LA solution. Indigence de cet amiral qui décide de prendre des missiles nucléaires, de les faire péter en consultant, bien tard, l’avis d’une Maison Blanche où visiblement on a autre chose à foutre. Indigence de créatures qui vont chercher à 10000 km des sources de radioactivité alors que le Japon en regorge, que la Chine aussi. Indigence de ce sous-marin russe qu’on ridiculise pour faire un plan sympa sur une île. Poutine va être content. Et puis ce héros qui échappe à une explosion nucléaire de plus mégatonnes … mais merde, le rayon de destruction serait énorme ! Le pauvre petit bateau devrait faire une centaine de bornes en 5 minutes ??? On pourrait se balader avec cinq marines portant tranquillou une tête nucléaire endommagée ?

Pacific Rim a cent fois plus de couilles, de fun et de second degré. Cloverfield est immensément plus crépusculaire et flippant. Là, tout repose sur un héros à deux balles qui vient donner un coup de main à un dieu sous le regard terrifié de Watanabe. Merde, mais l’audace eut été de ridiculiser les Hommes. L’Audace eût été de faire vraiment croire à une fin du monde, à des chrétiens priant pour être sauvé par un monstre archaïque. Punaise mais jamais on ne croit que ces monstres vont en finir avec l’humanité !! JAMAIS le danger n’est grand sauf pour les immeubles !

Reste un bon design, une belle bande-annonce, quelques plans vraiment sympas enveloppant un néant réflexif indigeste, illustrés, je me répète, sous la plume d’un scénariste en pleine forme, par une horde de militaire d’une crétinerie rare.

Je laisse 5 car cet essai est au moins plus respectueux que la précédente tentative du monstre atomique. Essai, atomique … je conclue en feu d’artifice.