Bien malgré lui, Alex Proyas est en train d'illustrer la maxime populaire selon laquelle on ne peut être et avoir été. Certains vous diront que depuis The Crow et Dark City, le réalisateur est perdu pour la cause. D'autres lui concèderont quelques fulgurances dans ses films suivants, I, Robot et Prédictions, sans pour autant renouer avec le glorieux passé de son CV. Enfin, je suis sûr que quelques cyniques sur le site, dans leurs avis, ont déjà tressé le parallèle entre l'ex enfant chéri et le héros de son nouveau film, à qui le grand méchant a tout simplement arraché les yeux. Non ? Je serais donc médisant ?


Bon, autant ne pas faire durer le suspens : ce n'est pas avec Gods of Egypt qu'Alex Proyas reviendra en grâce. Pourtant, la première heure du film est agréable et se laisse suivre. Car même si le scénario est béta, le production design loin d'être immonde et l'action emportent néanmoins l'adhésion du spectateur, incrédule devant une telle exploitation par dessus la jambe de la mythologie égyptienne en mode PromoVacances.com et les greffons improbables d'autres univers, naviguant entre un Saint Seiya à la sauce orientale et une adaption très officieuse de Hawkman. Si la voie empruntée confine parfois au patchwork, on est loin de la banane flambée numérique dénoncée par certains Cassandre qui hurlaient déjà leur dégoût par une nuit de pleine lune au zoo de Vincennes.


L'univers de Gods of Egypt et ses péripéties auguraient dès lors une honnête série B distrayante et formatée, menée certes sans génie mais avec suffisamment de maîtrise pour offrir ce que le spectateur est venu chercher. Hélas, dès la deuxième moitié du film, on sent que l'oeuvre tombe en panne et qu'elle commence à hoqueter. Comme si l'apparition d'un Thot risible qui parle à une salade et dont le seul jeu d'acteur consiste à croiser les bras dans le dos signait l'arrêt de mort de l'oeuvre. Car à partir de ce moment là, c'est comme si la production avait brutalement coupé les vivres et qu'Alex Proyas avait dû terminer Gods of Egypt en taillant dans le budget cantine. Tout se déroule la nuit et les bastons se font à l'économie (entre les hommes) ou à grands coups de flashs et d'impacts lumineux (entre les Chevaliers du Zod... Euh, les dieux). La dernière partie du scénario, elle, est écrite avec les pieds, et se dilate tout en jetant aux orties ses objectifs et ses quêtes dont on découvre qu'elles étaient finalement inutiles. Et l'on se demande encore pourquoi on a fait appel à Alex Proyas, tant sa personnalité est ici pasteurisée, comme celle d'un simple faiseur interchangeable.


Alors que Gods of Egypt se termine sur le sempiternel plan de super hero movie like, on ne peut que ressentir une impression de gâchis et se remémorer la plutôt bonne impression laissée par un début d'oeuvre exubérant, ensoleillé, assez honnête et faisant évoluer par ailleurs quelques jolies créatures. Mais on ne peut se résoudre à passer sur des défauts assez handicapants, une écriture à la va-comme-j'te-pousse et des ambitions bridées par une production pingre qui n'a pas voulu mettre la main à la poche afin d'assurer une quelconque constance artistique. Loin des débuts encourageants, le générique laisse à penser que l'on reste sur sa faim. Comme quand on se rend compte que l'on s'est laissé refiler un burger qui a été préparé avec des ingrédients plus très frais à la fin de la journée. Même si ça cale, pour le goût, on repassera.


Une petite feuille de salade pour faire passer ?


Behind_the_Mask, pas Thot-alement séduit.

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le 7 avr. 2016

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