Bah ouais, c’est comme ça. Comme ça que tu te rends compte que t’es vieux. Pas un boomer hein, enfin pas encore, ni un vieux con, enfin pas loin, mais un pur produit de la génération X biberonné au meilleur (et au pire) des années 80. Bah ouais, toi t’es incollable sur Ulysse 31, Goldorak et Les mystérieuse cités d’or, sur Spectreman, X-Or et San Ku-Kaï (d’ailleurs Norbert 500 et 1200, les deux robots de Fumer fait tousser, t’ont fait penser à Sidéro, en plissant vachement bien les yeux). Sur le sentai aussi, un peu moins c’est vrai, mais t’en as soupé, et t’en redemandais, tu ne sais même pas pourquoi. Alors quand Quentin Dupieux décide de rendre hommage à toute cette pop culture-là, bah toi tu y vas, tu accours, tu fonces dans le tas.

Dupieux qui fait un film sur cinq justiciers gentils en combi moulante (les Tabac Force) combattant des monstres méchants en mousse, genre Bioman et Power rangers, et dont le chef, Didier, est une espèce de rat libidineux (mais tombeur de ces dames) toujours en train de baver un machin verdâtre, comment diable résister ? Sauf qu’on est chez Dupieux, donc s’attendre à tout, et surtout à n’importe quoi. Car, très vite, le film prend une autre tournure. Le sentai façon Dupieux n’était qu’un leurre, ce que l’on pourra éventuellement regretter, faut avouer, puisqu’on était quand même venu pour ça. Dupieux, au revers de l’hommage lunaire et déjanté, veut nous parler d’autre chose, cet autre chose que résumera la réplique finale "Changement d’époque en cours" répétée en boucle tel un mantra prophétique, et jusqu’à son éventuelle application.

"L’époque et ses enjeux dramatiques se sont glissés entre les lignes de mes dialogues, comme si on ne pouvait plus faire semblant d’ignorer la crise que notre planète traverse, […] ce que l’humanité tout entière est en train de vivre", a expliqué Dupieux. À travers l’aventure des Tabac Force, partis se ressourcer pour renforcer leur cohésion de groupe, et les histoires "à faire peur" qu’ils (se) racontent, tour à tour saignantes, absurdes et/ou angoissantes (mais toujours poilantes), Dupieux évoque un certain état du monde et placarde nos moult travers : raréfaction d’une pensée plus profonde, politiquement correct, pollution, insensibilisation croissante à ce qui se passe autour de nous…

Même la forme dévie et se déporte, vient modifier la ligne de narration. Et là où l’on s’attendait à un récit plutôt linéaire, Dupieux déconstruit tout ça en opérant des ruptures de rythme. En surprenant avec une sorte de film à sketchs (là on est plus proche de La quatrième dimension ou des Contes de la crypte) dont un, absolument génial (celui avec le "casque à penser"), méritât bien qu’on en fasse un long métrage qui, à coup sûr, n’aurait pas dépareillé dans sa filmo dingo. Entouré d’un casting mirobolant dont on sent l’envie, constante, d’amuser et de s’amuser, Dupieux déconne et disserte à la fois, farceur devant, sérieux derrière.

Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
7
Écrit par

Créée

le 2 déc. 2022

Critique lue 984 fois

14 j'aime

1 commentaire

mymp

Écrit par

Critique lue 984 fois

14
1

D'autres avis sur Fumer fait tousser

Fumer fait tousser
Plume231
7

Incroyables, mais vraies !

Depuis Le Daim, Quentin Dupieux avait pour habitude de partir d'un argument scénaristique improbable et de le développer avec une logique implacable dans un environnement tout ce qu'il y a de plus...

le 1 déc. 2022

58 j'aime

25

Fumer fait tousser
Jb_tolsa
3

Un film d'une heure, çà peut être long

Je crois que j'ai vu tous les films de Quentin Dupieux. J'ai suivi son évolution dans l'absurde, et la popularité croissante de ses films, notamment chez les plus grandes stars qui adorent...

le 16 déc. 2022

38 j'aime

23

Fumer fait tousser
qbourdin
5

Les Powers Rangés

Après Mandibules, Quentin Dupieux revient sur la croisette avec Fumer fait Tousser. Un groupe de Power Rangers, les Tabacs Force partent en retraite pour retrouver une cohésion d'equipe avant...

le 24 mai 2022

16 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

179 j'aime

3

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

156 j'aime

13