满江红 Full River Red marque le retour de 张艺谋 Zhang Yimou au 武侠片 Wuxia Pian ainsi que son plus gros record au box-office Chinois (malgré des rumeurs de chiffres un peu gonflés artificiellement). Et c'est probablement, comme 英雄 Hero en son temps, un film qui risque de faire couler un peu d'encre, enfin, s'il a droit à une distribution digne de ce nom en occident (la mauvaise distribution des derniers films de Zhang Yimou nous a d'ailleurs fait rater cette belle pépite qu'était 一秒钟 One Second). D'ailleurs, Full River Red, comme Hero, sont des films qui me posent à la fois beaucoup de problèmes (mais pas exactement pour les mêmes raisons, même s'il y a certaines similitudes que certains ne manqueront probablement pas de repérer) et en même temps qui m'intéressent et me donnent envie d'écrire sur le sujet.


Full River Red tourne autour du premier ministre 秦桧 Qin Hui, haï de sa population autant que paranoïaque, qui cherche étouffer ses opposants en utilisant tout le système kafkaïen en son pouvoir, système dont la mise en scène se fait avec le ton très grinçant d'une comédie noire (Zhang Yimou intègre d'ailleurs des éléments sonores tout droit venu des effets comiques de l'opéra Chinois dans sa bande sonore plutôt réussie). Ainsi, les différents rouages que l'on suit dans ce système opaque vivent dans la peur les uns des autres et essayent de jouer de leurs rangs ou du peu d'interprétation qu'ils peuvent faire des paroles et des actes des autres pour survivre tant bien que mal à ce jeu de massacre, tout de même assez plaisant à suivre (bien que les retournements incessants dans le dernier acte du film fatiguent, car un peu trop nombreux). L'ironie finale de ce film étant la mise en scène de l'entée dans l'histoire de tout ce que Qin Hui tenait à étouffer.


Les révolutionnaires sous couverture se sacrifiant les uns après les autres dans l'espoir de mettre à mal ce politicien, sont montrés comme de véritables martyrs, mais, au service d'un objectif qui d'un point de vue actuel paraît très nationaliste. Ils appellent ainsi à la reconquête de la « vraie » Chine. De plus l'homme que le premier ministre Qin Hui veut faire taire, est le général 岳飞 Yue Fei qui fait, en guise de dernier poème, un appel aussi galvanisant que sanguinaire à cette guerre de reconquête pour une Chine unie, et il faut reconnaître que ce poème, servant de cri de ralliement, est bien écrit et a été bien choisi. Même si historiquement, il est très possible que le poème soit apocryphe, et ait été écrit quelques siècles plus tard. Désolé de casser la magie nationaliste.


Si l'histoire que nous conte Zhang Yimou est fictive, l'opposition entre Qin Hui et Yue Fei durant la dynastie des Song du Sud a, elle, bien eu lieu. Et si Zhang Yimou utilise ce premier ministre pour faire une comédie noire sur un système aussi tyrannique que kafkaïen, c'est que Qin Hui est une figure parmi les plus détestées de l'histoire de la Chine. Ainsi, aujourd'hui encore, au temple construit en l'honneur de Yue Fei, on peut même trouver une statue de Qin Hui avec sa femme à genoux pour demander pardon pour avoir trahi, « capitulé », face aux Jin et silencié ses opposants patriotes. Ainsi il est une figure parfaite pour que les Chinois les plus nationalistes et bellicistes soient montrés comme les vaillants révolutionnaires se battant contre un régime obscurantiste ne respectant pas son peuple.


Alors bien sûr dans le contexte de l'époque, il s'agit de reconquérir la moitié nord de la Chine tombée aux mains de la dynastie Jin, les Jurchen, (ancêtres des Mandchous). Les Song n'ayant obtenu la paix qu'avec un traité particulièrement déshonorant et très lourd économiquement. De plus, il faut préciser aussi que, malgré une scène politique, culturelle, économique et scientifique assez riche, la dynastie Song a eu beaucoup de mal à réformer certains gros problèmes dans son système (et parfois les Hommes au pouvoir ont combattu ces réformateurs) ce qui a souvent affaibli cette dynastie face aux puissances rivales voisines, d'autant que la dynastie Song était militairement assez faible.


Mais évidemment choisir précisément cette période pour mettre en scène au mieux un discours nationaliste aussi galvanisant n'est pas innocent. Elle permet de défendre au mieux des discours bellicistes, voire impérialiste d'un régime Chinois bien contemporain (et ainsi de défendre la destruction du « un pays deux systèmes » Hongkongais et la montée des menaces envers Taiwan), tout cela au nom de la glorieuse défense de cette Chine unie, évidemment. D'autant plus que Zhang Yimou, par le passé, a déjà mis en scène ce genre de discours avec la même subtilité qu'un George Bush qui parle de l'Irak en 2003.


Bref, pour revenir au film en lui-même, une quarantaine de minutes de moins dans le dernier acte et ça pourrait peut-être faire un très bon film. Après forcément son ton serait largement moins nationaliste (et puis, que serait ce film sans son intense poème de fin...), c'est sûr. C'est un choix.

Noe_G

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