Freaks - La Monstrueuse Parade par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique éditée le 13 novembre 2017


Dans les années 1930, le cirque "Tetrallini" avait pour particularité de monter des revues interprétées par sa troupe formée uniquement de monstres (freaks). Au milieu de ce monde particulier arrive Cléopâtre, une jeune et jolie trapéziste et seul être d'aspect normal de la troupe. Les monstres habitués à vivre entre eux se méfient de celle qu'ils ne considèrent pas de leur monde.
De son côté Hans le lilliputien, fiancé avec Frieda l'écuyère, est subjugué par la beauté de la trapéziste et en tombe follement amoureux. Bientôt cet amour semble devenir réciproque, d'autant plus que Cléopâtre apprend que Hans a touché un bel héritage. Malgré les mises en garde de ses amis le lilliputien devenu riche demande à la belle trapéziste de l'épouser. Cléopâtre monte alors un complot diabolique avec son amant Hercule, le colosse de la troupe. Elle accepte la demande en mariage de Hans afin de l'empoisonner et ainsi empocher l'argent.
Au cours du repas de noce Cléopâtre et Hercule se moquent de Hans et de ses collègues. Cette attitude confirmant la supercherie, les "freaks" vont alors se montrer solidaires du pauvre Hans. Ils vont exécuter une vengeance qui sera aussi terrible que surprenante.

Lorsqu'on entre dans ce cirque et que l'on se trouve en compagnie de cette troupe de comédiens aux physiques insolites, le premier sentiment qui vient à l'esprit est celui de la compassion mêlée à de la curiosité. Puis ce sentiment disparaît au fur et à mesure de l'intrigue. En effet chacun remplit sa fonction le plus honnêtement du monde à la grande satisfaction d'un public amateur de sensations fortes. Puis une étrange créature va faire son apparition: Cléopâtre la trapéziste. Celle-ci est belle à croquer et sa présence paraît incongrue au milieu de tous ces monstres. Il y a Joseph/Josephine, mi- homme mi-femme, un homme tronc, des soeurs siamoises, un homme ver, une femme oiseau, une femme à barbe, Hercule le colosse, Frieda l'écuyère lilliputienne et son fiancé Hans le nain illusionniste.
Lorsque ce dernier apprend qu'il doit toucher un gros héritage, il alerte son entourage sur cet événement et cette nouvelle met la troupe en émoi.
L'apparence physique est-elle alors en adéquation avec la pureté de l'âme? Pas du tout car si la beauté entreprend ici de s'unir avec un "freak", Hans en l'occurrence, ce n'est que dans une intention peu louable. La belle ne voit envers le personnage "différent" que l'intérêt, au mauvais sens du terme, qu'il peut susciter. Le "freak" devient un accessoire que l'on jette une fois usé mais pourtant la beauté de l'âme est de leur coté. Seulement, lorsque cette pureté est souillée, les faibles, les exclus peuvent devenir diaboliques et leur vengeance terrible.
Ce sera le cas dans cette histoire lorsque Cléopâtre et Hercule montreront leur vrai visage se moquant du reste de la troupe au cours du repas des noces. La preuve est alors faite que les différences et les préjugés sont malheureusement des obstacles incontournables à l'égalité et à la fraternité.

Plusieurs versions ont été conçues pour ce film. Le réalisateur, Tod Browning , avait imaginé trois chutes différentes pour cette intrigue. La critique de l'époque et la censure trouvant certaines scènes beaucoup trop dérangeantes, l'œuvre fut donc "guillotinée" et il ne reste plus qu'une seule version disponible de soixante quatre minutes. Il n'en demeure pas moins que la réalisation qui nous est offerte est un vibrant message sur le droit à la différence.
Tod Browning dont c'est ici le film le plus célèbre, nous propulse dans un monde de gens sains et normaux malgré leurs apparences. Ils ont les mêmes désirs et les mêmes soucis que quiconque. Le réalisateur démontre avec une efficacité peu commune les ravages provoqués par l'intrusion d'une personne dite "normale" dans ce groupe et dont l'équilibre va être alors fragilisé.
De plus ce film démontre que nous ne sommes que les acteurs volontaires ou involontaires d'une société formatée et dite "normale"et de plus pourvue de son sens de "l*'exploitation de l'homme par l'homme*", en utilisant son pouvoir de séduction à des fins mercantiles.
Cette société, c'est nous qui l'avons construite et les effets de celle-ci se retournent contre bon nombre d'entre nous. Tod Browning nous prouve donc avec une terrible efficacité que l'apparence n'est rien. Au-delà de celle-ci, la société devrait être faite d'amour, de solidarité et d'égalité, ce qui est loin d'être le cas. Mais attention, ces faibles pourraient un jours suivre l'exemple des "freaks" !

Ces "freaks" étaient de vrais personnages, des raretés de la nature et ils sont merveilleux. Au delà de leur physique, leur interprétation est lumineuse et leurs noms sont injustement inconnus du public pourtant, qu'ils soient beaux ou laids, je vais vous les citer tous car ils méritent les honneurs. Ils sont dix : Wallace Ford, Leila Hyams, Olga Baclanova, Roscoe Ates, Henry Victor, HarryEarles, Daisy Earles, RoseDione,Olga Roderick et Prince Randian. Tous vous prouveront du fond de leur cirque que la vraie beauté se loge dans le cœur.

Grard-Rocher
9
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le 22 déc. 2023

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