J'avais pas envie d'aimer Forrest Gump.
Déjà, j'aime pas les films avec des simplets ou des malades mentaux comme personnages principaux: d'une part, c'est facile, d'autre part, pour avoir dans ma famille une personne qui est même incapable de parler, je n'aime pas que l'on se serve d'eux comme de choses, qu'on les tourne en ridicule ou qu'on les glorifie.
Pourtant, je me suis laissé faire, lentement mais sûrement.
Reprenons depuis le début. Forrest Gump est un simple d'esprit. Il a une amie qu'il aime beaucoup et ils vivent chacun leur vie de leur côté.
Euh, c'est tout?
Si on veut. À travers la vie de Forrest, c'est la moitié du XXème siècle des États-Unis qui est traversée. Il serre la pince de la moitié des présidents qui se sont succédés durant ce laps de temps, vit l'arrivée des Noirs dans les universités, fait le Viêtnam, côtoie des hippies et d'autres groupes moins sympathiques, démonte la Chine au ping-pong, survit à un ouragan, devient PDG de Macintosh, traverse le pays de part en part à pied, se fait des amis, les perd, se marie, a un gosse.
Autre point fascinant, Forrest Gump, comme La Ligne Verte ou 300, entre autres, fait partie de ces films qui sont affublés d'un tas d'interprétations plus ou moins contradictoires et pas toujours très suivies: ainsi certains y voient la glorification d'une morale conservatrice, d'autres y trouvent une critique de ladite morale, certains pensent que c'est une invitation à l'épicurisme, la résurgence du mythe du bon sauvage, j'en passe et des meilleures.
La vérité est toute simple: certains ont aimé, d'autres pas. Fin de l'histoire. Une oeuvre n'appartient pas à son auteur, mais à chacun de ceux qui y trouvent quelque chose. Et chacun y trouve ce qu'il veut, et c'est tout.
C'est bien ça qui prouve que le film est réussi. Un film qui ne suscite aucune émotion n'est tout simplement pas intéressant. L'émotion est déclenchée très certainement par la conjonction de plusieurs éléments: si le scénario n'est pas très inspiré et un brin casse-gueule, il est soutenu par des jeux d'acteurs de haute volée, de très belles images et une bande-son de très bon goût. Presque tout tourne rond dans ce film, et on passe un très bon moment.
Peut-être manque-t-il de folie, malgré tout. Et puis, cet espèce d'optimisme à l'égard des simples d'esprit m'énerve: c'est pas parce qu'on est simple qu'on est nécessairement gentil ou qu'on ne fait pas parfois de grosses bêtises, et c'est tout le contraire de ce qu'on voit dans le film: le pire qu'il fait, c'est cogner des mecs qui ont cogné sa copine, sauver son unité et encastrer son bateau dans un quai. On a presque l'impression que la bêtise, finalement c'est pas bien grave, on peut très bien marier un débile mental et tout ira bien, le gosse, la baraque, le boulot... Pas comme ça, pas aussi facilement.
Et je maintiens que l'idée de base relève de la basse démagogie... mais ce qui compte, c'est le résultat.
Et le résultat, c'est que je me suis pas ennuyé pendant 2h.