Avec Forrest Gump, on a des armatures métalliques plein les jambes et on ne sait au final sur quel pied danser. Mais qu'y'a-t-il de répréhensible à mes yeux de nervis gauchiste ?


Si l'on suit Forrest Gump, dans son parcours, dans sa singularité, dans son témoignage - toujours agréablement distant sur les préoccupations viscérales de la société capitaliste - on se dira à l'issue du film que c'était l'occasion d'aborder plein de sujets sensibles, avec beaucoup de discernement, tel Candide voltairien. Il parle de la guerre, des Rambos que la société délaisse après avoir fait le nettoyage à l'étranger, il parle des femmes battues, des individus qui cherchent un sens à leur vie. Il parle du handicap aussi.


Mais avez-vous senti de la manière dont il en parle ? Toujours dans le témoignage. Jamais une dénonciation. Sur les vétérans dont la vie est brisée ? La roue tourne, camarade ! Pas un propos de défense du lieutenant Dan. Et on ne peut que pardonner à Forrest Gump puisqu'il n'a pas conscience de ces choses là. Tout passe dans des rapports intersubjectifs. J'ai cru à un moment qu'il allait s'adresser à une foule éprise d'antimilitarisme. Nouvelle feinte : on coupe le micro. Et le pire, c'est que c'est rigolo. Mais rigolo pour qui ? Sans doute plus drôle pour le blanc que le jaune. Le fait est qu'à aucun moment le film ne critique l'impérialisme.


Même les placements de produits sont sympathiques !


On pourrait donc passer l'éponge. Mais en vérité, un début de logique s'instaure avec le fait de trouver sympathique ce milliardaire simplet. A moi, ça me pose un problème. Parce qu'en réalité, il y en a des gens pour croire que les milliardaires sont des travailleurs chevronnés, doués et chanceux à force de ténacité. Et ce film entretient cette idée du peuple uni, cette idée qui affirme qu'avec ce personnage de Forrest Gump on a l'égal du commun des mortels. Même l'approche romantique de l'amour pour la vie me pose résolument problème.


D'habitude, pour aborder des choses graves en toute légèreté, Hollywood choisit d'instrumentaliser l'innocence et la naïveté des enfants. Ici, on instrumentalise la déficience mentale et physique d'un type qui n'a au fond aucun sens. Ou comment faire d'un garçon qualifié socialement d'idiot, un modèle pour tous, un exemple de bravoure, de dynamisme et de bonté. Mais inspire-t-il pour autant le respect ce monde parfait ? Ce qui est brillant dans ce film, c'est le talent et les moyens financiers mis au service de cette confusion des idées sous prétexte de conte de fée idéologique. Je qualifie hautement Forrest Gump de redite tardive du rêve américain, à une heure où plus personne n'y croit dans les classes populaires. C'est un film libéral que tout le monde applaudit. Je pense que cette mythologie est tombée le front à terre mais qu'il y en aura toujours pour jouer les candides et la relever.

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le 10 févr. 2019

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