First Man : un pas de géant pour Damien Chazelle.



D'abord...le son haletant d'une respiration... les craquements inquiétants de la carlingue et la buée sur la visière du casque. Allumage moteur dans un rugissement assourdissant. Puis la propulsion : l'altimètre s'affole, les voyants clignotent sur le tableau de bord. La respiration s'accélère, les flammes de l'autre côté du hublot ! Encore un petit effort et c'est la sortie de l'atmosphère... Silence !
Cette mise en orbite résume à elle seule l'atmosphère du film. On filme l'espace depuis le cockpit, depuis le casque, à hauteur d'homme. Damien Chazelle nous embarque dans un cinéma immersif, sobre, de science-fiction réaliste et minimaliste : pas d'effets spéciaux tape à l’œil, de fusées filmées sous tous les angles.


Vous l'aurez compris, par rapport aux films du genre, on est loin de l'épopée spatiale futuriste et son espace fantasmé, celui de 2001 ou d'Interstellar, mais on plonge dans l'histoire américaine des années 60, de la NASA et de la vie d'un homme qui rentra dans les manuels d'histoire le 21 juillet 1969. On est plus tenté de penser à Dunkirk s'il fallait vraiment le comparer à Nolan. Une bande-sonore minimaliste qui contribue à forger une atmosphère stressante, suffocante, ponctuée par de beaux moments d'humanité. Belle maîtrise des silences. L'emploi de la vision subjective est fréquent. On y croit tellement que nos doigts agrippent le fauteuil, on retient notre souffle... Bref ! Un vrai moment de cinéma, ou "cinexpérience" pour reprendre un terme cher à Sens Critique.


Ainsi, on est plutôt tenté de rapprocher ce film d'Apollo 13 de Ron Howard qui était déjà magistral et criant de réalisme. Mais force est de constater que ce film de 1995 prend un sacré coup de vieux après que l’on ait vu First Man. La photographie joue d'ailleurs avec un grain, un floue, une colorimétrie qui rappelle l'esthétique de l'époque mais avec la précision d'aujourd'hui.


Ce n'est pas seulement l'épopée lunaire qui est comptée mais le chemin d'un homme, de sa vie de famille, de ses traumatismes... Pour autant, on ne tombe pas dans le manichéisme primaire. Ça n'est pas la grande Amérique triomphante dont il s'agit de brosser le portrait. Si la conquête spatiale fascine, Chazelle prend aussi soin de souligner les contestations dans la société américaine qui aimerait que l'argent soit investi dans le social plutôt que dans des guéguerres d'égo bipolaire.


Même Ryan Gosling qui incarne quand même, à l'heure actuelle, dans le cinéma américain, la neutralité (certains diraient l'inexpressivité) dans le visage par excellence, ce qui lui a d'ailleurs valu d'être moqué. Eh bien dans ce rôle, ça n'est pas du tout gênant. Armstrong était un homme, complexe, renfermé... Gosling fait du Gosling mais il n'en est pas moins émouvant. Claire Foy, quant à elle, est superbe.


En somme, Chazelle ne signe pas seulement un nouveau long-métrage potentiellement oscarisable, il démontre une fois de plus, et avec plus de maturité sans doute, qu'il sait faire du cinéma, et qu'il le fait bien, avec une rigueur et une certaine virtuosité grandissante.


Alors pour ceux qui ne l'ont pas vu, bon décollage !
*


" Thanks Houston...over".


Pilou.

PilouQuillard
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le 18 nov. 2018

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