Après deux films axés sur la musique, quoi de plus surprenant que de voir Damien Chazelle aux commandes d’un biopic spatial aussi ambitieux que casse gueule ? Pour sûr, on ne l’attendait vraiment pas là et le faux pas dans sa chorégraphie est envisageable !
La prise de risque est élevée, c’est peut-être pourquoi le réalisateur assure ses arrières avec son acteur fétiche et son équipe technique habituelle et même son compositeur de prédilection (qui nous livre une fois de plus une superbe bande originale).
Dès les premières images, nous sommes rassurés car immédiatement captivés par une mise en scène très personnelle, audacieuse et qui ne conviendra pas à tout le monde. Filmé au gros grain comme à l’époque, de façon presque documentaire, majoritairement à la caméra à l’épaule, le film se vit (ou se subit, c’est selon) comme une expérience sensorielle. Attention : ça va secouer ! Et particulièrement durant les scènes de décollages et de vols ou les mouvements de caméras saccadés servent à rendre ce que les pilotes subissaient et comme eux, nous prenons des G ! La Nasa a ouvert ses portes à l’équipe du film et les a conseillés pour toute les parties techniques, le moindre interrupteur est reproduit fidèlement, la crédibilité est totalement bien rendue.
La tension est toujours mise en avant dans ces fusées aux instruments analogiques et aux parois peu épaisses… C’est qu’il en fallait du courage et/ou de l’inconscience pour oser piloter de tels engins qui paraissent déjà si archaïques et tellement dangereux.
La peur, la sueur ainsi que la quête du surpassement sont aussi bien rendus que dans ma référence du genre ; l’excellent « l'étoffe des héros ».
Autre avertissement, si l’on est très tendu durant les scènes de pilotages et dans l’espace, l’ambiance n’est guère meilleure sur terre.
Loin d’un portrait idéalisé, le scénario tiré du livre et validé par son auteur, James R. Hansen, nous livre l’intimité du personnage. Les enfants et les derniers proches de Neil ont eu aussi garanti l’exactitude du biopic. C’est certainement pour cela que les sacrifices familiaux consentis ou supportés, la douleur du deuil et ce qu’il peut générer, mais aussi le repli sur soi sont si bien rendus.
Fidèle à lui-même, Ryan Gosling joue tout en retenue et le casting est excellent, la reconstitution d’époque ne souffre d’aucun reproche et en bonus musical (après tout c’est bien du Damien) un bon vieux Gil Scott-Heron et son « Whitey on the moon » fort à propos.
Passé les secousses, Linus Sandgren nous livre de sublimes images très personnelles de l’exploration spatiale avec quelques rares moments de contemplations bienvenus et poétiques.
Il y a du Clint Eastwood dans ce film avec notamment des images filmées en lumière naturelle (en tout cas qui donnent cette impression), un sens épique tout en se focalisant sur le personnage principal et ce qui le motive à accomplir des actes héroïques.
Le film est basé sur une contradiction : se focaliser sur l’intime d’une personne pourtant mondialement connue et qui a passionné les foules au point d’être, à l’époque, l’évènement le plus suivi à la télévision et la radio. Un brin à l’étroits dans les cockpits, l’image fait la part belle au plan très serrés sur Ryan, comme pour mieux nous faire ressentir un enfermement, et pourtant, le film est assez distant de son personnage au point qu’il n’est jamais larmoyant (c’est une bonne chose) mais ne nous laisse, pour autant, pas une grande place pour nous attacher à la douleur légitime de cette famille. Si proche et pourtant si distant… c’est un peu décontenançant.
Autre point dans le registre des reproches, certaines scènes sont à la limite de la longueur.
Pour autant, Damien n’a pas perdu de son Jazz et de son sens de la partition et nous livre un film original, prenant et au final réjouissant !