Fin d'automne
7.9
Fin d'automne

Film de Yasujirō Ozu (1960)

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Poursuivant son travail sur la couleur initié deux ans plus tôt avec Fleurs d'équinoxe, le réalisateur nippon signe de nouveau la chronique intime d'un Japon en phase transitoire, entre traditions et modernité. Relecture de son Printemps tardif mis en scène en 1949, Yasujiro Ozu s'écarte du mélodrame originel, pour n'en garder que l'ossature du récit, et l'habiller de ce ton léger et humoristique qui sied idéalement aux couleurs pastels de ses récents films.

Trois anciens camarades d'université, Soichi Mamiya (Shin Saburi), Shuzo Taguchi (Nobuo Nakamura) et Seiichiro Hirayama (Ryuji Kita), se réunissent pour commémorer la mémoire de leur ami Miwa, décédé sept années plus tôt. Ils y retrouvent sa veuve, Akiko (Setsuko Hara), et sa fille Ayako (Yoko Tsukasa) âgée maintenant de 24 ans. Au cours de la discussion, ils conviennent que la jeune femme est en âge de se marier. Taguchi est le premier à proposer un prétendant potentiel, mais ce dernier s'avère finalement déjà fiancé. Mamiya tente alors d'organiser une rencontre avec un de ses employés, Shotaru Goto (Keiji Sada). Mais Ayako n’est pas pressée de trouver un mari, craignant de laisser sa mère toute seule...

Fidèles à leur thème de prédilection, la famille, abordé au cours d'une riche filmographie, Ozu et son scénariste Kogo Nada suivent les traces du susnommé Printemps tardif en optant pour une variation lumineusement colorée, tant sur le fond que sur la forme. Cette relecture fait suite aux deux films sortis en 1959, Bonjour et Herbes flottantes, qui étaient également des adaptations de métrages réalisés dans les années 30 : Gosses de Tokyo et Histoire d'herbes flottantes en 1932 et 1934. Avec en guise de fil conducteur l'actrice Setsuko Hara, qui interprétait en 1949 (2) la jeune femme qui refusait de se marier pour ne pas abandonner son père veuf, la féminisation du personnage principal devient, une fois encore chez l'auteur de Fleurs d'équinoxe, le vecteur de l'évolution des mœurs de la société japonaise.

Mené par son vénérable trio d'acteurs, le film dépeint des aînés à la bonne humeur communicante et aux attitudes en décalage avec la société conservatrice japonaise. Si les trois hommes poussent la jeune Ayako à se marier, ces derniers sont loin d'être des partisans de l'union arrangée par les parents ou des tierces. Au contraire. Amoureux d'Akiko lors de leurs années estudiantines, le trio composé désormais d'un veuf et deux époux n'en reste pas moins encore sensible aujourd'hui au charme de l'ancienne fille du pharmacien, et par conséquent favorable au mariage d'amour, quand bien même la destinée en a décidé autrement (Akiko se maria avec leur défunt ami Miwa). A cette occasion, il est amusant de constater le rôle qu'offre Ozu à l'acteur Shin Saburi, son personnage d'entremetteur étant à l'opposé de celui du père réactionnaire de Fleurs d'équinoxe.

En contrepoint à son long métrage de 1958, le cinéaste souligne également les différents visages de la nouvelle génération de Japonaises, celles modernes et occidentalisées à l'instar de la pétillante Yukiko jouée par Mariko Okada, et celles plus mesurées telle Ayako par Yoko Tsukasa. Et si Ozu parsème son oeuvre d'éléments purement comiques, le film n'en demeure pas moins la chronique douce-amère d'un pays en pleine mutation, où le ton léger décrit ne masque pas une certaine fatalité, et la prise de conscience de la solitude qui accompagne irrémédiablement la vieillesse.

Entouré d'acteurs récurrents dont la plupart se réuniront lors du dernier film du maître (Le goût du saké), Ozu livre avec cette Fin d'Automne un brillant portrait aussi subtil que tendre de son Japon à l'orée des années 60.

Recommandé.
Claire-Magenta
8
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le 7 mai 2014

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Claire Magenta

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