Andreï Zviaguintsev prouve encore, s’il était nécessaire, sa maîtrise pointue de la mise en scène, avec une œuvre impeccable mais terriblement cynique. Du pur bonheur pour les yeux, un peu moins pour le cœur.


Tout le monde en prend pour son grade dans Loveless. Tout d’abord l’intégralité de ses personnages aussi égoïstes qu’antipathiques, à commencer par les parents du jeune Aliocha. Ensuite ce dernier, sacrifié à l’autel de l’individualisme par des parents non aimants, qui disparaît après quelques minutes à l’écran seulement, au cours desquelles il aura été émotionnellement martyrisé. Et enfin la Russie contemporaine, qui se prend cette acerbe critique sociétale dans les dents, par le biais des médias qui transcendent le drame familial, devenu symptomatique de la déliquescence d’un pays rongé par son individualisme. Zvianguintsev tire à bout portant sur le sensationnalisme des médias, le conflit avec l’Ukraine, et l’indifférence généralisée de ses compatriotes pour le monde qui les entoure.


De même, les parents d’Aliocha semblent trop occupés à refaire leur vie et recommencer les mêmes erreurs ad vitam eternam pour réaliser qu’on ne parle plus de leur progéniture depuis à peu près 30 minutes, et que son absence plombe sacrément l’ambiance. L’absence, seul vrai personnage central de Loveless, bouffe l’écran et pèse sur nos consciences, avant même que les autres protagonistes ne s’en rendent compte. Perfectionniste et esthète, il travaille chaque plan avec minutie, s’y attardant même souvent trop longtemps. On frôle souvent l’ennui, sans réellement le laisser s’installer. En filmant (comme personne) ces immenses intérieurs aux baies vitrées, sublimes coquilles sans âme, Andreï Zviaguintsev crée une œuvre à l’image même de son titre : sans amour.

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le 19 mai 2017

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