Avec FF7, James Wan exacerbe les codes de l'actioner bourrin et porte à un niveau d'incandescence la formule beauf qui a fait la renommée de la série, transformée au fil des épisodes en véritable programme esthétique et farcesque : ici, les jantes chromées sont aussi désirables qu'une paire de fesses moulées dans un mini-short, les scènes d'actions s'enflent pour devenir d'invraisemblables tours de montagnes russes défiant avec jubilation toutes les lois de la gravité (parachutage de voitures et vol de gratte-ciel en gratte-ciel à la clé) et les personnages deviennent des sortes de super-héros flexibles et surpuissants. Ponctué de phrases choc et de sentences à faire se flétrir un biscuit chinois, le film se drape de sa bêtise et l'arbore fièrement comme un pur principe cathartique et régressif. Ce qui le rend attachant, c'est cette candeur, dont la meilleure image est la morale factice que la série martèle à chaque film, ce « code » que suivent aveuglément ces personnages qui font primer l'honneur et leur fraternité de pacotille sur tout le reste.
Une donnée vient chambouler l'équation : la mort de Paul Walker, le héros de la franchise, pendant le tournage. Celle-ci contamine le film et pose un véritable problème de cinéma. Peut-on faire un film avec un mort ? La première réponse du cinéaste, inévitablement maladroite, a été de réécrire le film et de faire des retakes avec des doublures (les frères de Walker), fragmenter un maximum les plans et montrer le moins possible le visage du personnage. C'est ici que le film trouve sa limite, devenant parfois obscène tant la dissimulation fait ressortir l'artifice et transforme chaque apparition éclair de son visage virtuel en effroi (un vrai masque de la mort). Mais le finale tant attendu vient stopper le calvaire : après une énième aventure aux airs de Mission : Impossible, les membres de la « familia » se retrouvent sur une plage, observant mélancoliquement leur ami qui joue avec sa femme et sa fille au bord de l'eau, hologramme lointain qui semble déjà s'estomper. Ne faisant plus « comme si» et transformant à la faveur d'un dérèglement diégétique le pantin numérique en véritable fantôme, le film surprend et émeut car il n'est plus question de jouer mais de dire au revoir depuis le film même. La scène est un peu lourde avec son hip hop larmoyant et son montage clipesque mais la soudaine apparition, presque magique, du visage amical de ce héros que l'on pensait ne plus revoir lors des dernières secondes du film, à la faveur d'une incrustation plutôt réussie, le fait basculer dans une zone onirique et pop : on n'est plus tout à fait dedans, ni tout à fait en dehors. Après une ultime course avec son ami et co-équipier Dom, joué par Vin Diesel, Paul Walker s'éloigne en voiture vers l'horizon, disparaissant dans la lumière du soleil, et c'est tout. C'est sur cette très belle idée du film comme tombeau, comme retraite pour les spectres que se termine FF7. Et personne n'imaginait une sortie de route aussi délicate pour la saga.

OEHT
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le 22 avr. 2015

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