Avant qu'il ne déforme complètement son physique et ne se perde à jamais dans les nanars inénarrables et les suites désastreuses de ses rares bons films, Stallone a eu quelques rôles presque normaux, comme ici, juste après Rocky, en syndicaliste ambigüe directement inspiré de l'emblématique Jimmy Hoffa...
Jimmy Hoffa, c'est une figure mythique de l'histoire américaine qui cumule le rôle majeur dans les syndicats de routiers du milieu du siècle, les rapports douteux avec la maffia, les problèmes politico-judiciaires qui en découlent et la disparition finale mystérieuse...
Dans ce film où Stallone se partage le scénario avec un inconnu débutant nommé Joe Eszterhas, le héros est un de ces parasites professionnels qu'on appelle les permanents syndiqués, vous savez, comme Arlette, ceux qui sont chargés de la défense des travailleurs sans jamais avoir réellement travaillé pour la plupart... Lui il commence en 1937 et s'occupe des routiers dans un contexte social très rude où les grèves impliquaient couramment mort d'hommes...
Après, c'est l'histoire habituelle, grandeur et décadence, quelques décennies d'Amérique par un bout de lorgnette rarement utilisé, rien de bien neuf mais du travail carré, propre, avec Norman Jewinson aux manettes et László Kovács à la photographie pour l'épopée d'un petit prolo Hongrois qui se confronte aux règles du jeu biaisées d'un monde qui le dépasse un peu...
Des faux airs de Sur les quais, surtout que Rod Steiger est de la partie, l'obligatoire scène de drague pathétique de ce bon Sly et un grand Peter Boyle viennent compléter un tableau en demi-teintes dont le charme rattrape bien des maladresses.
Et finalement, on se dit que si ses deux plus grands rôles n'avaient pas été aussi mal compris et aussi abominablement suivis, le petit Sylvester aurait presque pu faire une toute autre carrière, je ne sais d'ailleurs pas si c'était souhaitable...