[Critique] - Evil Dead (par Cineshow.fr)

Sam Raimi est un génie, cela ne fait aucun doute. L’homme derrière la première trilogie Spider-Man démontre à chaque nouveau film ses capacités de metteur en scène d’exception (y compris dans Oz) tout en y injectant certaines composantes de son cinéma de prédilection, l’horreur. En 1981, il réalisait une entrée fracassante à Hollywood avec Evil Dead, son premier long-métrage aujourd’hui devenu une œuvre culte, adorée et vénérée par des millions de fans sur la planète. Autant dire qu’un remake de ce monument s’apparentait pour beaucoup à un crime de Lèse Majesté. Un affront que même la présence des protagonistes principaux de l’époque à la production ne permettait pas de faire taire puisque ce n’est un secret pour personne, Sam Raimi s’est également distingué par ses productions d’horreurs franchement foireuses (Possédée étant la dernière en date). La question était donc de savoir si le réalisateur catapulté ici (mais également co-auteur du script en remplacement de Diablo Cody, éjectée du projet), Fede Alvarez, avait les épaules et le talent nécessaire pour s’attaquer à un tel projet. A la vue du résultat, la réponse est clairement oui mais cela n’empêchera pas cet Evil Dead de ne pas devenir la claque qu’avait pu être son modèle 32 ans plus tôt.

Comment faire un remake sans s’attirer les foudres de ceux qui vénèrent l’original, tout en embrassant les attentes d’un public plus jeune et bercé à l’horreur made in années 2000, c’est-à-dire pas top. Fede Alvarez semble avoir réussi à résoudre cette équation pas évidente, d’une part en reprenant les principes fondateurs d’Evil Dead mais sans le personnage charismatique de Ash (Bruce Campbell), d’autre part en s’orientant clairement dans le registre de l’ultra-gore quitte à sacrifier au passage toute ambiance franchement flippante. L’idée de base n’est pas différente de son modèle, une bande de jeunes vont se retrouver dans les bois et découvrir un curieux bouquin écrit au sang et recouvert de peau humaine, le livre des morts. Bien entendu, sa lecture réveillera le démon et nous voilà parti dans une logique relativement classique de slasher comme il s’en fait beaucoup. Sauf que contrairement à bon nombre de films qui se revendiquent du genre tout en refusant de jouer à fond l’exercice, cet Evil Dead de 2013 ne va s’imposer aucune limite visuelle et sombrer progressivement dans une véritable sauvagerie filmée sans retenue et avec une complaisance salvatrice.

Le public venu cherché des hectolitres de sang et de plaies putrides en aura donc pour son argent. Alors qu’avec le temps le premier Evil Dead est devenu un film d’horreur quasi comique (en raison de l’âge du film et du petit coup de vieux que l’on ne peut renier), cette nouvelle mouture reste dans la volonté de base qu’avait Sam Raimi en réalisant le film, du gore primaire et sans fioriture. C’est d’ailleurs un peu le constat que l’on peut faire en découvrant ce remake / reboot (au choix), un absence totale de tout élément paralysant l’objectif de base. Exit les bimbos blondes, les surfeurs aux tablettes, le nerds rejeté bref, au revoir les archétypes éculés. Loin de tout cliché, le réalisateur a préféré ancrer ses personnage somme toute assez communs dans une problématique plus actuelle qu’est l’addiction aux drogues. Le voyage en forêt n’a pas vocation à se faire un week-end orgiaque mais à aider une amie à ne plus toucher aux drogues dures. Même si en terme de profondeur de discours, ce n’est pas la folie, force est de constater que le pitch de base est un peu plus malin ou du moins crédible que la moyenne.

Lorsque l’horreur démarre (il faudra un peu de temps justifiant la présence d’une introduction des plus efficaces), Evil Dead ne s’arrête plus. La boucherie va crescendo pour dézinguer à peu près tout le monde, faire de ces jeunes les marionnettes du démon et les démembrer autant que possible. C’est extrêmement violent visuellement, parfois vraiment dur à regarder (certains massacres filmés frontalement nous hérissent les poils) et pourtant, la peur n’est pas là. L’absence de véritable ambiance anxiogène et la prévision de tout ce qu’il va se passer empêchent de ressentir une émotion sincère hormis celle véhiculée par la surenchère de gore. Pas à un moment on ne frissonne de peur, de stress, d’anxiété. Un véritable regret de mon point de vue (qui pourra être une grande qualité pour d’autres cela dit) qui n’est pas à dissocier d’un certains ennui naissant en dépit d’une durée relativement courte du film (1h30). A force de voir de l’horreur, des langues coupées en deux, des agrafes dans les yeux, on en devient franchement immunisé. Il faudra attendre l’acte final pour à nouveau ressentir quelque chose d’intéressant, un acte sous le signe du clin d’œil au groupe Slayer et à sa chanson « Raining Blood », sorte de duel entre le démon et une jeune femme plus déterminée que jamais à en découdre. C’est impressionnant visuellement, cohérent vis-à-vis du reste (comprenez crade) et franchement efficace, une fin de métrage qui laisse sur une impression réellement bonne mais qui ne masquera que partiellement la redondance de l’œuvre.

Pure série B, le long-métrage de Fede Alvarez a pour lui d’être profondément honnête, respectueux de son public, et surtout respectueux du film dont il revendique le nom. Ceux qui avaient déjà chargé leur stylo pour écrire tout le mal qu’ils penseraient du film vont pouvoir s’y reprendre à plusieurs fois. Refusant de se laisser aller à des dérives marketing malvenues et des effets faciles, Evil Dead nouvelle version joue la carte du premier degré extrêmement froid. Un parti pris assumé et tout à son honneur mais qui ne sera pas sans conséquence, la grande frayeur annoncée n’étant de fait pas vraiment au rendez-vous malgré un degré d’horreur visuel assez sidérant. Véritable fan du film d’origine, Fede Alvarez a mis tout son amour dans cette réalisation mais le réalisateur Uruguayen n’a pas le talent du maître Raimi. Les meilleurs effets de réalisation ne sont que des copier-coller de ceux que Raimi avait pu inventer et pour le reste, rien de bien transcendant n’est à noter. Le nouveau Evil Dead n’invente rien mais marche dans les pas de son modèle avec une passion communicative. Cela n’empêchera pourtant pas de s’ennuyer un peu devant cette surenchère de viande fraîche en dépit de tous les efforts réalisés, en tout état de cause, on est assez loin de l’atroce terreur annoncée…
mcrucq
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le 28 avr. 2013

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Mathieu  CRUCQ

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