Depuis L'armée des ténèbres en 1992, les fans d'Evil dead attendaient un éventuel 4ème épisode, les rumeurs selon lesquelles Sam Raimi se serait mis à l'écrire remontant à des années. Mais 20 ans plus tard, le seul projet de film concernant la saga qui se soit concrétisé, c'est un remake. Par un réalisateur jusque là inconnu. Sans Ash comme héros, mais avec une junkie à la place.
Il y avait de quoi avoir peur.
L'affiche avec son slogan prétentieux "le film le plus terrifiant que vous ayez jamais vu", et la première bande-annonce, remplie d'effets clichés et dénuée d'idées novatrices, n'avaient rien pour rassurer.
Puis il y eut l'annonce du réalisateur Fede Alvarez, disant que le film ne comporterait aucun CGI. Et cette seconde bande-annonce qui changeait complètement la donne : idées de mise en scène créant une ambiance terrible (Mia qui murmure à propos de la présence démoniaque), et du gore très audacieux.
En quelques minutes, j'étais conquis, et d'une envie de ne pas voir le film, je suis passé à la hâte de pouvoir assister à une avant-première.

Par le biais de l’esthétique et du look des personnages, Fede Alvarez cherche à se rapprocher de l’époque du Evil dead original, à savoir les années 80. Dommage, son film présente bien vite de nombreux défauts du cinéma d’horreur moderne.
Des jump-scares, des sons sur-mixés pour faire sursauter, et en guise de présentation des démons, des visions fantomatiques qui sont une façon de faire peur beaucoup trop facile, et trop commune. Et la scène où Mia tourne le volant de sa voiture et sort de la route à cause d’une de ces apparitions rappelle beaucoup trop de scènes similaires. La plupart des visions, en plus de cela, servent à introduire des éléments horrifiques sans aucune finesse, comme lorsque l’héroïne voit en réflexion dans un miroir une femme qui grogne et crache du sang.

J’ai cru à une innovation lors de la scène d’attaque des arbres, étant donné qu’on ne voit pas les arbres bouger, rendant l’incident plus ambigu, mais il semblerait que ça n’ait pas été voulu, vu la suite des évènements.
En dehors d’une séquence d’introduction tout à fait inédite, qui présente un cas rare de "twist beginning", les premières idées nouvelles apportées à ce remake sont décevantes.
Les scénaristes ont cherché à nous faire nous attacher aux personnages, mais on brûle des étapes, et très peu de temps est accordé à leur caractérisation. Le réalisateur semble penser qu’une musique dramatique assez cliché dans une séquence émotion suffit à nous sensibiliser aux drames personnels des protagonistes et surtout de l’héroïne : frère absent, mère folle, addiction à la drogue, … ça fait beaucoup trop en quelques minutes.
D’ailleurs, si le problème de drogue de Mia a quelques liens au début avec les premières manifestations démoniaques, l’idée est oubliée assez vite. Brouiller les frontières entre les démons intérieurs de Mia et ceux bien réels aurait pu être intéressant, même si le fait que ça ne soit pas traité n’est pas dérangeant, d’autres éléments nous faisant oublier tout cela.
Il faut retenir de la première partie d’Evil dead le nouveau look bien sympathique du Necronomicon, qui a maintenant vraiment l’air d’avoir une couverture en peau humaine, et le travail du son sur certaines scènes. Le mélange entre voix normale et voix trafiquée est efficace, laissant un certain doute quant à la prise de possession de quelqu’un par les démons.

Ce qui fait vraiment la force de ce remake par contre, c’est sa violence.
Cela débute avec un personnage possédé qui laisse l’eau de la douche brûler sa peau, idée absurde pour montrer qu’il n’est plus un humain normal, mais ce qu’il faut retenir ce sont ces cloques et brûlures qui apparaissent soudainement sur son visage. On en grince des dents.
A partir de ce moment-là, Evil dead devient un formidable déferlement de sauvagerie.
Fede Alvarez et son co-scénariste savent viser là où ça fait vraiment mal.
Les autres cinéastes devraient en prendre de la graine, car après tant d’années de cinéma d’horreur, on pourrait croire que les idées pour tirer des réactions de dégoût de la part des spectateurs sont épuisées. Or, dans Evil dead, chaque scène de violence fait frissonner ou gémir de douleur pour les personnages.
J’ai eu le plaisir de voir mon voisin se plaquer les mains sur le visage, d’entendre les réactions de dégoût de la salle (pourtant remplie de fans d’horreur), auxquelles les miennes se mêlaient.
La peur dans ce remake d’Evil dead ne vient pas du suspense, mais de l’appréhension de voir les personnages souffrir encore plus, après qu’on les ait vus subir déjà affreusement. Une bonne idée, peut-être pas assez exploitée, c’est de voir les pages du Necronomicon se tourner pour laisser voir des images annonçant ce qui va arriver.
Il y a du compositing dans le film, mais, effectivement, pas de CGI à proprement parler, ce qui rend l’entreprise d’Evil dead encore plus honorable.
Sous tension, le spectateur réagit très bien aux quelques notes d’humour bien noir. Il y a également quelques allusions aux précédents films qui font sourire, mais rien de trop marqué pour ne pas détourner l’attention de ce qu’il se passe.

Evil dead présente une conclusion des plus déconcertantes (et ce qu’il arrive à l’un des personnages est incompréhensible), aussi décevante que presque toute la première demie-heure bourrée de défauts. Ce qu’il se passe entre les deux par contre est une raison suffisante pour se déplacer au cinéma.
Je ne crois pas avoir déjà vu dans un film une telle ultra-violence, une telle douleur communicative, du gore aussi poussé et sans concessions. Evil dead va même jusqu’à concrétiser une vision apocalyptique promise par le Necronomicon ; là où un autre film se serait arrêté avant, ici on va jusqu’au bout.
Contrairement à son modèle qui a apporté plusieurs révolutions dans le genre horrifique, ce remake a moins de chances de rester dans les annales, mais il constitue tout de même une expérience spéciale et procure un grand plaisir.

PS : restez jusqu’à la fin du générique.

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le 19 avr. 2013

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Wykydtron IV

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