Le jour où Géraldine Nakache m'a fait oublier la poitrine de Virginie Efira.

Le 14 janvier 2016, Le jour où Géraldine Nakache m'a fait oublier la poitrine de Virginie Efira.


Derrière ce titre provocateur se cache en réalité une suite de mots transcendées par l'émotion ressentie pendant le film, donc ne vous attendez pas à une diatribe remplie de cynisme, mais bien à un pavé quasi-indigeste où les mots d'amour roucoulent comme les jeunes couples sur les quais de gares. J'avais pour projet d'aller voir ce film comme je vais voir tous les films de Virginie Efira. Une actrice que j'aime particulièrement, que j'ai vu progresser au fil du temps et qui permet - qu'on se le dise de se rincer l’œil quasiment à tous les coups. Une fois n'est pas coutume puisque lors de sa première apparition, ses superbes jambes sont mises en avant, Grégoire Ludig les observant discrètement tel un voyeur totalement flippant. Mais ne vous y méprenez-pas, Et ta sœur n'a rien d'une comédie romantique minable, qui ne parierait que sur la plastique de son duo d'actrices pour parvenir à ses fins. La critique qui va suivre est une véritable révélation, et à fortiori un message d'amour pour l’intégrité du film et plus particulièrement Géraldine Nakache, qui m'a ému aux larmes.


Et ta soeur commençait très mal ; une affiche des plus mièvres et un titre absolument horrible venait ponctuer mes préjugés. A bien y réfléchir, le titre est en réalité plus intelligent qu'il n'y parait. L'absence de point d'interrogation enlève déjà toute la stupidité de la parade : Et ta sœur est un titre qui met volontairement l'accent sur l'autre partie de l'iceberg, car durant tout le film il ne s'agit en fait que du regard de l'autre et des souffrances propres à chacun des partis. Ces partis, ce sont deux sœurs et un homme dont le frère est mort très récemment, qui se renvoient la balle et liés ensemble par une connexion dont ils ne contrôlent pas les aboutissants. Et ta soeur de la très humaine Marion Vernoux n'a de cesse de créer des cloisons entre les personnages pour les séparer entre eux ou pour au contraire créer des accoutumances propres aux duos. Si le trio de personnages est le principal moteur du film, il n'en reste pas moins une suite de scènes où tous vont être filmés en plans très rapprochés, et enfermés dans un cadre qui ne donnera d'autre issue qu'une relation à deux et uniquement à deux. Le début du film, filmé en caméra à l'épaule et très agité, donne une belle impression de ce que la réalisatrice essaie de véhiculer. Dans l'urgence et le déni de la réalité, le personnage de Grégoire Ludig est coupé du monde. S'en suivront, durant tout le film, des plans d'ensemble, parfois agrémentés de mélancolies sonores, pour symboliser l'errance intérieure des personnages. Brillant à bien des égards, mais surtout très épuré et très simple au final.


Si je pensais voir le film uniquement pour la prestation de Virginie Efira, j'en ressors avec une émotion très particulière, celle que j'avais ressenti pour Mommy ou Like Crazy. Et ta soeur n'est sûrement pas un grand film, mais c'est un beau film, au sens où il véhicule un tas de bons sentiments non tapageurs qui n'attirent que de la bienveillance. Une bienveillance subtile, bien orchestrée par la mise en scène élégante et pudique et merveilleusement servie par les trois acteurs, dont l'incroyable Géraldine Nakache.


Attaqué de tout mon être avant la projection par des idées préconçues par rapport à elle, j'y allais par conséquent à reculons, sans rien en attendre. Il faut aller voir ce film ne serait-ce que pour elle. Il faut aller voir ce film car elle est l'incarnation même de la femme qui bouleverse. D'une profondeur saisissante, qu'elle véhicule aussi dans la vraie vie, elle nous fait passer du rire aux larmes et des sourires aux moues sincèrement peinées pour ce que vit son personnage. Une actrice qui arrive, à bien des égards et dans un film qui paraît anodin, à donner autant de vrai et de relief à son personnage est forcément une grande actrice. Sans cesse acculée par sa frustration et son complexe d'infériorité, sans jamais frôler le sur-jeu, elle a donné au spectateur que je suis moult frissons et beaucoup de leçons à tirer - même si la critique est à chaud et donc, forcément bouillante d'excessif. Son naturel illumine chaque montée en puissance jusqu'à la fin de Et ta soeur, où sa candeur nous donne envie de la prendre dans nos bras et de lui dire que tout ira bien, finalement. C'est pour ce qu'elle m'a fait ressentir que j'aime le cinéma. Pour me sentir dépassé par ce que je ressens, pour l'imprévu.


On peut tout à fait trouver le salut dans un film qui paraît totalement innocent et dérisoire. Je ne sais pas si elle renouvellera des prestations aussi touchantes que celle-ci. Je ne sais pas si le fait de s'identifier aux personnages ou de retrouver chez eux des traits de caractères de personnes que l'on connait joue dans la note que l'on peut attribuer à un film. Est-ce une volonté propre de la réalisatrice de créer un attachement très fort entre le spectateur et l'acteur ? Ce personnage de Géraldine Nakache, qui n'en est pas seulement un car elle dégage la même sensibilité en vrai, m'a fait penser à ma meilleure amie. Evidemment, l'histoire en elle-même est bien loin de refléter ma propre réalité, mais j'ai beaucoup pensé à elle durant Et ta soeur, j'ai reconnu dans son personnage toute l'affection que l'on peut avoir l'un pour l'autre sans jamais se le dire, et comment elle peut être retranscrite dans des gestes qui paraissent anodins mais qui ne le sont pas. Au-delà d'êtres toutes les deux des filles aux longs cheveux et à lunettes, elles ont cette petite lueur en elles qui donnent envie de ne jamais faire d'erreur, de se dépasser, de les protéger, d'être là parce que quelque chose se passe, parce que quelqu'un est, tout simplement, et ce quelqu'un mérite plus que les autres d'être regardé, compris, entendu. Cette délicatesse précieuse et rare derrière notre humour omniprésent, celle que je chéris sans qu'elle le sache car elle, ce n'est pas les autres. Merci à ce film de redonner de l'impulsion à ces sentiments omniprésents.


Pour conclure, ça devient beaucoup trop intime bande de filous, et parce que j'en oublie presque de souligner la très bonne performance de Grégoire Ludig, régulateur parfait des deux sœurs par son histoire, et quelle maîtrise de l'humour pince sans rire, j'ai beaucoup aimé Et ta soeur qui a le mérite de sortir des sentiers battus et de mélanger comédie et profondeur avec brio - ce qui est rare, pour ceux qui me lisent souvent, vous le savez très certainement. Je suis très heureux de l'avoir vu seul, car j'utilise à ma guise les émotions reçues en pleine tête, et je les garde aussi longtemps que je le souhaite, intactes, juste pour moi. Ce quasi huis-clos est une belle fenêtre sur des cœurs solitaires qui s'enlacent, parfois, au détour de toute une vie.

EvyNadler

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5

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