Dans Et j'aime à la fureur, André Bonzel nous invite à parcourir avec lui l'incroyable collection de bobines de films amateurs et d'archives familiales qu'il a en sa possession.
La forme du documentaire est plaisante car uniquement constituée d'images d'archives, sans que nous sachions d'où elles proviennent. Car si André Bonzel décide de retracer son arbre généalogique en voix-off, mis à part les quelques images où il identifie spécifiquement l'ancêtre dont il parle, nous n'avons pas le temps de confirmer s'il s'agit bien d'archives familiales. Cela peut parfois compliquer la narration car nous n'arrivons pas à trouver de repères pour lier les images à la voix off mais demeure très doux et poétique, tant cela permet à ces images hors du temps d'accéder à une nouvelle vie.
Le principal thème évoqué est justement celui du temps et de l'héritage que nous en portons en nous. Il y a dans ce documentaire, et surtout dans sa premire demie-heure, quelque chose de très Proustien avec cette volonté d'utiliser ces images pour accéder à notre mémoire inconsciente. La réflexion de Proust a pour point de départ sa grand-tante Léonie, celle de Bonzel sa grand-tante Lucette qui lui lègue un carnet d'informations sur ses ancêtres. C'est là que se situe l'autre propos du film sur cet héritage du temps qui nous compose : nous ne faisons que reproduire, sur différentes générations les existences de nos ancêtres. C'est à ce moment qu'André Bonzel commence à parcourir son arbre généalogique et ce qu'il en a hérité avec une belle touche de poésie : l'amour pour le cinéma et pour les femmes qui a traversé toutes les générations ou encore le dégoût de toute nourriture provoqué par les manières à table de son père.
En raison de sa forme, le documentaire souffre de quelques longueurs tant il est parfois compliqué de se souvenir de qui André Bonzel parle. Sur le fond, on peut regretter que le récit finisse plutôt par tendre sur l'amour qu'avaient les hommes de la famille pour les femmes, au travers de différentes anecdotes. L'aspect introspection de ses propres souvenirs ou encore amour du cinéma sont finalement plus en retrait, et la conclusion ne se porte d'ailleurs que sur la chance qu'a eu André Bonzel de découvrir l'amour de sa vie et occulte l'amour qu'il a pu porter à tout ce matériau riche dont il a hérité : une collection infinie d'archives familiales.
La mélancolie, la douceur et la poésie de ce documentaire, amplifiées par la bande originale parfaite de Benjamin Biolay, permettent d'oublier ces quelques défauts et lui confèrent quelque chose de très littéraire. Une déclaration d'amour à la vie.