C'est un film agréable à regarder, qui commence superbement, se suit sans ennui et se termine brillamment. Niveau danse, Cédric Klapisch nous offre deux pics au début et à la fin de son film, l'un de danse classique, l'autre de danse contemporaine. Son En Corps est fort habilement fabriqué. L'agencement des images et de la musique est souvent excellent et les enchaînements de scènes ou séquences assez malins. Montage vraiment très bon, presque virtuose au milieu du film où alternent les plans de répétitions de danse contemporaine et ceux de préparation de plats avec des plans de coupe d'endives, carottes, oignons, choux et autres. Très peu de temps morts ou de baisse de rythme. Un personnage principal (l'héroïne de l'histoire : Elise) justement casté, sur qui repose en bonne part le charme du film : Marion Barbeau. Elle est première danseuse à l'Opéra de Paris, mais ici, en tant qu'actrice, elle fait mieux que se débrouiller. Elle a un visage très expressif, beaucoup de sensibilité et un corps d'une finesse, souplesse, délicatesse franchement merveilleuses. Autour d'elle, beaucoup de personnages secondaires et souvent de valeur. Des pointures comme Denis Podalydès, excellent dans le rôle du père un peu ahuri, qui aurait préféré que sa fille fasse son Droit plutôt que de la danse, François Civil en kiné aidant Elise à se remettre de sa grave entorse à la cheville et qui en pince pour elle, Pio Marmaï en cuisinier artiste, Muriel Robin en patronne "éclopée" d'un centre de mise au vert et ressourcement pour artistes, au fin fond de la Bretagne, etc.
Sans parler des deux troupes de danseurs, l'une de danse classique, celle de l'Opéra Garnier pour le début du film et l'autre de danse contemporaine pour le reste du métrage, celle du danseur chorégraphe Hofesh Shechter (qui, je crois, se produit à Paris en ce moment).
Bref, un vrai régal pour les yeux, surtout pour tous ceux qui aiment la danse et apprécient le corps en mouvement des danseuses et danseurs.
La proposition est plus lourde, moins heureuse pour ce qui est du fond, puisqu'on nous sert pas mal de poncifs rebattus depuis des décennies (voire plus) dans notre monde occidental. Tels la résilience : savoir rebondir, se reconstruire, qu'il y a "mille vies dans la vie", qu' "avec du travail et de la volonté, on finit toujours par s'en sortir et atteindre ses objectifs", mais aussi, et paradoxalement, le carpe diem des épicuriens (cueille le jour, "les roses de la vie", etc.).
Le film est un "feel good movie", une ode à la danse, à la musique, aux corps jeunes, souples, gracieux, déliés, musclés ; tout simplement, à la jeunesse, à l'amour, à la vie. C'est "aimer, boire et danser", ou plutôt : danser, aimer et éventuellement se remonter le moral avec un petit verre d'alcool de poire.
L'espèce de leçon morale que Klapisch donne dans son film, c'est quand même quelque chose comme : ne soyez pas trop sage, allez vers le "métier" (la vie), dont vous avez envie, même si c'est une vie à risque, un métier dans lequel on ne dure pas (par ex. la danse où tout s'arrête à 40-45 ans), plutôt que d'opter pour un métier, une carrière sûrs mais ennuyeux (par ex. le Droit, les carrières juridiques)... quitte à devoir gérer ensuite une reconversion jamais facile, bien sûr, mais quoi ? avec du courage, on y arrive (parfois). Lui a choisi le cinéma qui n'est pas un métier de tout repos, donc naturellement, il comprend mieux les métiers de l'art, de la culture et les magnifie.


Le final voit un rassemblement de presque tous les personnages rencontrées par Elise dans les différentes séquences du film. Ils sont tous venus à la Première, que donne à Paris la troupe de danse contemporaine d'Hofesh Shechter, et voir, par la même occasion, la brillante reconversion au sein de cette troupe de la danseuse blessée. Et c'est un moment très réussi, bien filmé, agréable à regarder : la troupe, dont Elise, fait évidemment un triomphe.
Ensuite, tous ces beaux jeunes gens vont, à l'exception des "vieux" Podalydès et Muriel Robin, boire un coup ensemble et fêter les lendemains qui chantent (pourvu, bien sûr, qu'on sache danser, faire preuve de souplesse, pugnacité et persévérance). La danseuse classique reconvertie connaît quand même un ultime instant de nostalgie devant un défilé (sorti de nulle part ou de sa mémoire) de danseuses en tutus qui font des pointes avec les bras en corbeille. Mais elle revient vite au présent, à sa nouvelle troupe, son nouvel amour, sa nouvelle vie... Temps de conclure. Générique final ; applaudissements épars dans la salle, les lumières se rallument. Public du week-end, avec dans l'ensemble des visages réjouis. Et pourquoi non ? Elle est pas belle, la vie ?

Fleming
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Tous les films sortis et vus au cinéma en 2022

Créée

le 4 avr. 2022

Critique lue 567 fois

12 j'aime

14 commentaires

Fleming

Écrit par

Critique lue 567 fois

12
14

D'autres avis sur En corps

En corps
Plume231
7

Que le spectacle (re)commence !

Après plus de trois décennies derrière la caméra, Cédric Klapisch prouve que les années n'ont nullement entamé sa vivacité et sa fraîcheur. Et Dieu sait qu'il en faut pour réaliser un film sur la...

le 28 mars 2022

49 j'aime

10

En corps
lhomme-grenouille
5

Ni pour ni contre (bien au contraire)

A combien de films en est-il déjà l’ami Klapisch ? …Quatorze ?! Ah bah comme quoi ça commence à se sentir hein… Parce que bon, difficile d’affirmer qu’avec cet En corps j’ai été surpris par le cinéma...

le 4 avr. 2022

34 j'aime

11

En corps
Docteur_Jivago
7

Danse avec les Loutres

On retrouve régulièrement dans le cinéma de Cédric Klapisch un destin qui doit s'adapter à des péripéties, qui va trouver sa force dans des rencontres et des choix importants, En Corps n'échappe à la...

le 3 avr. 2022

30 j'aime

8

Du même critique

Le Sommet des dieux
Fleming
7

Avec la neige pour tout linceul

J'ignore à peu près tout des mangas. Je n'aime généralement pas les films d'animation, les dessins retirant, selon mon ressenti, de la vérité au déroulement filmé de l'histoire qu'on regarde. Et je...

le 24 sept. 2021

36 j'aime

19

Amants
Fleming
5

On demande un scénariste

J'ai vu plusieurs films réalisés par Nicole Garcia. Le seul qui me reste vraiment en mémoire est Place Vendôme que j'avais aimé. Elle, je l'apprécie assez comme actrice, encore que je ne me souvienne...

le 17 nov. 2021

33 j'aime

16

BAC Nord
Fleming
6

Pour les deux premiers tiers

Les deux premiers tiers du film sont bons, voire très bons, en tout cas de mon point de vue. J'ai trouvé ça intéressant à regarder et à suivre. Et même passionnant. Est-ce outrancier ? Je ne connais...

le 16 août 2021

31 j'aime

19