Assurément, le septième art paraît inspirer, ces derniers temps, quelques grands réalisateurs. Si Damien Chazelle, dans Babylon, en raconte la démesure absolue (celle du Hollywood des années 20), Steven Spielberg (The Fabelmans) et aujourd’hui Sam Mendes s’en servent pour évoquer une partie de leur adolescence. Pas vraiment une évocation littérale (comme chez Spielberg) en ce qui concerne Empire of light, plutôt un assemblage de souvenirs épars et d’impressions d’une certaine époque : une mère bipolaire, l’Angleterre des années 80 avec sa Thatcher et ses skinheads, et la découverte du cinéma bien sûr.

À travers la rencontre (puis l’amour intergénérationnel et interracial) de deux êtres malmenés par l’existence (Hilary souffre de bipolarité, Stephen d’un racisme décomplexé), Mendes cherche d’abord à raconter une espèce de tranche de vie mignonne tout plein où les hasards du destin rapprocheraient les cœurs, guériraient les corps, ouvriraient l’esprit, blablabla… Un magnifique cinéma Art déco à bout de souffle et en bord de mer (à Margate précisément) sert d’épicentre à celle-ci qui, très vite, va révéler ses limites. Non seulement Mendes s’éparpille dans les thèmes qu’il aborde (du romantisme, du social, du politique, du psychologique…) sans véritablement parvenir à les agréger, mais il succombe à quelques envolées sentimentales qui confondraient naïveté avec simplicité (et appuyées par la musique étonnamment sirupeuse d’Atticus Ross et Trent Reznor).

Tout était là pourtant pour nous séduire, ne pas relever de l’anecdotique, de l’élégante mise en scène de Mendes à la somptueuse photographie de Roger Deakins, en passant par une Olivia Colman bouleversante et la belle confirmation du talent de Micheal Ward (découvert dans le magnifique épisode Lovers rock de la série Small axe). Mais tout ça pour nous dire que le racisme c’est pas bien et que la vie c’est trop chouette malgré les coups durs qu’il faut savoir surmonter, que viendra d’ailleurs résumer une sorte de maxime neuneu à la Forrest Gump ("Ce ne sont que des images statiques encadrées de noirceur, mais notre nerf optique a un petit défaut : à 24 images par seconde, on ne voit pas la noirceur"), c’est quand même très léger. Et surtout très décevant.

Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
5
Écrit par

Créée

le 24 févr. 2023

Critique lue 240 fois

6 j'aime

3 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 240 fois

6
3

D'autres avis sur Empire of Light

Empire of Light
Sergent_Pepper
4

Hearts and darkness

Alors qu’on n’en peut plus de lire les accroches « une lettre d’amour au cinéma » placardées partout à l’occasion des imposantes promos des récents Babylon et The Fabelmans, voici qu’arrive le...

le 3 mars 2023

62 j'aime

10

Empire of Light
Clmovies
8

La lumière dans l'obscurité

Sacré Sam Mendes. Discrètement, ce réalisateur est en train de se construire une filmographie exceptionnelle, car très hétérogène (à l'image d'un Kubrick), mais qui fait toujours mouche (à l'image...

le 12 mars 2023

35 j'aime

6

Empire of Light
ClaireShm
9

Ou "La lumière dans la tempête"

La tentation de faire une analyse comparée est grande quand on nous offre en ce début d'année deux films qui font l'apologie de l'amour du cinéma, selon les affiches placardées partout sur les...

le 4 mars 2023

31 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

178 j'aime

3

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

156 j'aime

13