L’actrice Frances O’Connor réalise une évocation sensible et intéressante de l’auteure des ‘Hauts de Hurlevent’ dans un film à l’esthétique soignée. Loin de tout académisme, Frances O’Connor assume jusqu’au bout le lyrisme et finit par bouleverser.


Aussi énigmatique que provocatrice, Emily Brontë demeure l’une des autrices les plus célèbres au monde. Emily imagine le parcours initiatique de cette jeune femme rebelle et marginale, qui la mènera à écrire son chef-d’œuvre Les Hauts de Hurlevent. Une ode à l’exaltation, à la différence et à la féminité.


La bonne idée est d’avoir voulu fuir le biopic académique, l’hagiographie. On n’est pas sûr de voir la vraie vie d’Emily Brontë, mais à vrai dire on s’en fiche. Cela dit, O’Connor reprend quelques jalons de la vie de l’auteure (comme la mort du frère, le départ en Belgique) et quelques traits de caractère, notamment sa grande asociabilité, son goût pour la solitude et la nature.


Frances O’Connor a fait un choix scénaristique intéressant : faire d’Emily Brontë un personnage des ‘Hauts de Hurlevent’. La réalisatrice dissémine de ci de là des éléments du roman. Il y a la relation fusionnelle avec le frère. En place et lieu de la relation interdite entre la fille Catherine et le fils adopté Heathcliff qui frôlait l’inceste, O’Connor montre la liaison passionnelle d’Emily pour un vicaire. Un autre dilemme morale. Comme dans le livre, cette relation sera mise à mal par le frère pris de jalousie. On retrouve la figure du père et le personnage de la vieille tante rappelle la gouvernante Nelly du roman.


Cette idée est originale et n’est pas totalement à côté de la plaque. Elle permet à la fois de parler de l’œuvre à travers le portrait de son auteure. Et vice-versa, de mettre l’auteure face à son œuvre. Une idée judicieuse quand on sait que ‘Les Hauts de Hurlevent’ est l’œuvre unique d’une auteure, écrit alors que Brontë avait moins de 30 ans.


Frances O’Connor assume à fond le lyrisme, l’émotion. Elle multiplie les effets. La musique souligne l’émotion, la réalisatrice accentue les couleurs. Elle reprend les éléments classiques du mélodrame. Il y a l’amour interdit et contrarié, il y a le carcan familiale qui étouffe. On pourrait penser qu’elle fait le choix de la facilité. Au contraire, je trouve qu’elle cherche l’émotion pure autour d’un brillant avenir contrarié par une mort précoce. Ou autour d’un amour empêché par la morale, l’époque et un frère jaloux.


Les films historiques, les biopics ou adaptations littéraires sont légion dans le cinéma britannique. Elles sont ordinairement d’un classicisme assumé et sont parfois remarquables, comme les très belles adaptations des romans d’E. M. Forster réalisées par James Ivory (‘Chambre avec vue’, ‘Maurice’). Dans la lignée de ‘Portrait of a Lady’ de Jane Campion, la mise en scène ici navigue entre classicisme et modernité. Elle est à la fois élégante et soyeuse mais plus énergique et virevoltante quand il s’agit d’exprimer les tourments de son héroïne.


J’ai beaucoup aimé l’interprétation d’Emma Mackey. Elle a une palette de jeu très variée et porte vraiment le film à bout de bras. Une très bonne surprise.


Noel_Astoc
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le 29 avr. 2023

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