Elvis
6.7
Elvis

Film de Baz Luhrmann (2022)

L’idée de voir Baz Luhrman s’attaquer à la légende d’Elvis Presley est d’une cohérence sans faille : par lui, la Warner se garantit un show luxuriant qui viendra mettre en lumière un des précurseurs de la pop culture, par ce traitement hagiographique et romancé dont les Américains se sont fait les spécialistes pour entretenir leur propre mythologie.


Il faudra donc composer avec toute la stylistique de réalisateur, qui prend le soin d’espacer ses films (son dernier date tout de même de 2013) afin de reposer la rétine de ses spectateurs : 2h40 de mash-up continu, sorte de bande annonce d’une vie trépidante où les split-screens, sommaires, surimpressions et freeze frames devenus unes des journaux s’accumulent sans respiration possible.


Bien entendu, on sacrifiera aussi à tous les invariants du biopic, éternelle répétition de la dilution d’un individu dévoré par le système, épouse qui s’en va et drogue qui s’en vient, le tout dans une narration supposée singulière puisqu’assurée par le Colonel Parker, mais qui vire très rapidement au banal « Il était une fois », le point de vue de la voix off étant en permanence contredit par ce qui se joue à l’écran quant à ses abus et arnaques diverses à l’encontre de son poulain aux œufs d’or.


On notera tout de même quelques séquences intéressantes, notamment dans une tentative partiellement réussie de traiter de la musique : le scénario insiste ainsi avec pertinence sur l’influence de la musique noire et religieuse sur la formation du futur King, et une répétition à Vegas fait montre d’un vrai sens de la construction rythmique lorsque le chanteur dirige chaque section de son orchestre.


Il convient enfin et surtout de saluer la performance d’Austin Butler, qui à l’image de Taron Egerton dans Rocketman, fusionne littéralement avec son personnage pour en adopter la présence, le charisme et la gestuelle. Alors que Tom Hanks s'inscrit dans cette stupide tendance d’Hollywood à noyer ses stars sous des postiches, nous menant à saluer les maquilleurs davantage que les comédiens, Butler, lors des performances musicales, saisit l’essence d’une bête de scène et parvient à restituer la fièvre qui s’empare de l’Amérique des années 50, fébrile face à la sexualisation du show et la crainte, déjà, d’un grand remplacement des valeurs chrétiennes par le souffle chaud de contrées trop libres avec leur corps.


C’est donc avant tout à l’exploration d’une surface que nous invite un réalisateur qui a toujours été d’avantage intéressé par les feux de la rampe que par les ombres des coulisses, qui restent encore à investir et peuvent formuler d’autres promesses de cinéma.


Sergent_Pepper
6
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le 22 juin 2022

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