Catherine, je t'aime.
Je t'ai toujours aimée, tu sais. Même quand je te découvrais presque, laissant un lapin moisir dans la cuisine de l'appartement où tu te murais dans la folie.
Tu m'as fait rire.
Tu m'as fait chanter.
Pleurer.
Et maintenant tu t'en vas.
Pour une cigarette, pour un chagrin d'amour, pour une dépression, pour un bol d'air.
Sur la route de la liberté, de la campagne, du plaisir, je te suis, je t'ai suivie.
Vers la lumière.

Voilà pour la réaction à chaud. Énorme coup de cœur que ce film, entre road movie et cinéma d'auteur, qui vient clamer une fois de plus que le cinéma français est bien vivant et n'a rien à envier au géant américain.
3 générations de femmes pour quatre actrices (Gensac, Deneuve, Camille, Herzi) et un petit garçon drôle et juste. Le parcours de Bettie est ponctué de rencontres, suivant une logique scénaristique classique du road movie, mais ces rencontres permettent tout à la fois une introspection du personnage, une réflexion sur le médium et un double-entendre sur la carrière de Deneuve.

Le petit vieux de 92 ans qui roule sa cigarette donne lieu à une séquence naturaliste quasi documentaire, d'une tendresse infinie et d'un humour fin. Si le début du film, dans le restaurant, est un peu faible, le récit décolle avec ce bar perdu au milieu de la nuit, où Deneuve côtoie une bande de cougars célibataires et se fait draguer par un jeune farfelu. J'adore la jeunesse de ce personnage, sa folie douce, sa fraîcheur, et j'adore ce que fait Deneuve, perruque rose sur la tête, nue dans un lit au matin, vaguement médusée. Les dialogues sont drôles et pas toujours tendres avec la grande dame du cinéma dont on finit par ne plus savoir si elle joue vraiment un personnage où si elle ne fait que retraverser sa carrière : le lit de Belle de jour, la Bretagne de Demy, la musique de Bach qui évoque celle de Legrand. La voir seule, en jaune, sous la pluie, devant un mur jaune rappelle instantanément les Parapluies de Cherbourg. Le film est très malin dans ces réminiscences amusées et subtiles, comme un jeu de piste.

Bien sûr il y a quelques fausses notes : musique trop présente, interprétation caricaturale de Camille. Mais le parcours est surprenant, Deneuve est dans un rôle majeur de sa carrière - l'air de rien. Toutes les péripéties sont riches en surprises, émouvantes, drôles. Le concours de miss est un moment de burlesque attendri, doucement féroce et satirique. Et les scènes finales dans la maison dans l'Ain, où toute une famille finit enfin par se retrouver, sont comme touchées par la grâce.

Un film et une interprète solaires.
Krokodebil
8
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le 22 sept. 2013

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Krokodebil

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