Il y a parfois des films qu'on a terriblement envie d'aimer avant même de les avoir vus. Les raisons d'une telle marque de confiance sont souvent diverses : cela peut être une suite tant attendue, une adaptation ambitieuse, la réunion d'un casting dont l'ont rêvait etc
Mais bien souvent, c'est surtout le nom du réalisateur(trice) en question, qui serait capable de nous vendre l'idée d'un docu' sur l'histoire de la galinette cendrée à travers les âges.


Paul Verhoeven fait parti dans ma modeste culture cinéphile de cette catégorie de metteur en scène.. Non, les oeuvres du fameux "hollandais violent" sont loins d'être toutes des chefs-d'oeuvre mais sa capacité à faire de chaque film un indéniable objet de curiosité est incontestable.


Le démembrement filmé avec une violence inouïe d'Alex Murphy dans Robocop, le caractère jouissif aux multiples degrés de lecture de Starship Troopers ou bien encore la finesse et l'élégance d'un Black Book, chaque film de Paul Verhoeven a pour moi quelque chose de spécial.
Malgré cela, j'ai été voir Elle en quasi total méconnaissance de cause, sans même avoir vu la BA apparemment très décriée.
A vrai dire, les retours cannois dithyrambiques mais surtout unanimes (chose rare pendant le festival) à propos du come-back de Paulo m'ont poussé à me bouger afin d'y jeter un coup d'oeil au plus vite.
2 types de réaction sont possibles face à une oeuvre proposée par un auteur dont le travail est cher à vos yeux. Soit la possible déception va être décuplée en une haine déraisonnable, ou bien alors le moindre petit défaut sera immédiatement pardonné via n'importe quel prétexte qui mettra forcément le film en valeur.
Je me retrouve entre ces 2 sentiments avec Elle.


L'ouverture est pourtant diablement prometteuse : un chat au regard perçant (toujours dans les mauvais coups ceux-là) observe sereinement sa propriétaire en train de se faire agressée, puis violée. Une scène rabâchée à ne plus savoir qu'en faire par la suite mais qui montre que Paul Verhoeven est toujours aussi balèze pour faire ressortir sur un grand écran tout le caractère malsain et traumatisant de la violence. Certains metteurs en scène y parviennent en la sur-esthétisant (Winding Refn), d'autres joue avec sur le ton de la parodie assumée (Tarantino) mais Verhoeven, lui, fait de la violence quelque chose de plus réaliste et viscérale.
C'est malheureusement l'un des seuls crédits que j'accorde à un film dont j'ai eu un mal fou pendant plus de 2H (une durée pas adaptée mon sens) à comprendre les retours si élogieux.


Ce "faux thriller", sorte de satire à peine dissimulée de la petite bourgeoisie française, peine terriblement à trouver un dynamisme sur le plan narratif.
Alors oui, on se rend rapidement compte que le personnage au recul sinistre d'I.Huppert, sera la clé de voûte du film.
Bien aidé par l'interprétation très à propos d'une actrice totalement en phase avec son rôle, Verhoeven fait de cette femme aux émotions rarement perceptibles un véritable objet d'étude.
Le problème ici, c'est que le film est dépassé par son propre personnage. Certes, le film nous indique très rapidement que la future vaine tentative de décryptage de Michèle par le spectateur sera le véritable jeu pervers auquel Verhoeven nous invite. De ce côté-là, c'est plutôt réussi. On prend goût à interprété chaque esquisse de sourire, chaque réplique distillée avec un ton particulier.Ce personnage
parvient à fasciner alors que, finalement, elle ne distille pas vraiment de vérité sur sa relation ambigue avec son agresseur.
Ce dernier qui, par ailleurs, est un antagoniste qui ne m'a jamais vraiment passionné étant donné que son identité est totalement soupçonnable dès ses premières apparitions. Je me suis même persuadé à force que ce léger foutage de gueule de Verhoeven était volontaire, peut être pour davantage montrer ce personnage et par conséquent, lui apporter un degré de complexité.


D'autres soucis de ce genre, ce n'est pas ce qui manque. Le job de Michèle, à savoir directrice d'une compagnie de JV manque totalement de crédibilité. Oh bien sur, je suis bien conscient que 99,9% des spectateurs s'en taperont complètement mais quand on montre des cinématiques dignes d'un jeu sorti début des années 2000, donc 1000x moins réussies que les phases ingame, ça paraît un peu chelou.
Autre problème : certains dialogues/situations ne fonctionnent pas vraiment voire pas du tout. A commencer par toutes les scènes impliquant le fils totalement demeuré qu'on rêve de voir finir dans une prison turque et sa copine hystérique. L'intention de grossir le trait de ce duo de personnages fait au mieux sourire mais bien souvent, ces passages mettent plus mal à l'aise qu'autre chose. Même topo avec l'amant de Michèle, accessoirement le mari de sa meilleure amie, histoire anecdotique avec une finalité assez ridicule.


Dans cette petite galerie de personnages secondaires "hauts en couleur" pour employer une expression un peu plus positive, la mère de Michèle est plutôt intrigante, la seule à tenir un minimum tête à ce personnage. La jeune femme légèrement branchée messe de minuit incarnée par Virginie Effira apporte également une certaine fraîcheur au film.
La principale mécanique reste malgré la relation indescriptible entre Michèle et son agresseur, un lien débutant dans la violence pure pour évoluer au fur et à mesure dans un rapport teinté d'érotisme. Un événement traumatisant dans l'enfance de Michèle sert au demeurant de pseudo justification à son comportement troublant, même si l'on restera à la surface de sa personnalité.


Vu la quasi total unanimité autour du film, je ne doute pas d'être passé à côté de l'âme du dernier né de Paul Verhoeven, bien malgré moi d'ailleurs. Vendu comme un thriller psychologique au sous-texte brillant et sulfureux, j'ai plutôt eu l'impression de visionner une oeuvre rarement déstabilisante, presque ringarde dans son propos et filmée sans grande inspiration. Un Verhoeven pas mauvais, mais pas loin de laisser indifférent, peut être le pire statut possible venant d'un réalisateur à la filmographie aussi complexe.

Strangeek
5
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le 27 mai 2016

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Strangeek

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