L'éloge de la vie illustré par la mort

Mettre en scène la thématique des fusillades dans les lycéens américains pourrait amener à vouloir exhiber la violence et l'atrocité que cela engendre. Gus Van Sant prend le parti inverse avec Elephant. 1h20 de longs plans où il ne se passe rien, on suit simplement les élèves dans les couloirs vident du lycée, voyant ainsi leurs rencontres, leurs soucis du quotidien, leur pauvreté de vie aussi.

Car ce film, c'est avant tout une mise en image d'un jour banal dans un lycée commun aux autres avec des élèves ordinaires. Le calme plat et ainsi illustré par la longueur des plans. Le montage n'est là que pour séparer les vies, créant ainsi des petits épisodes avec une personne presque différente à chaque fois. La liberté, la décontraction, la frivolité des uns s'opposent aux insultes, humiliations et manque de confiance des autres.

Dramatique de bout en bout, une seule note d'espoir se profil, un bisou donné à un garçon par une fille. Preuve d'une tendresse altruiste qui sera l'unique contraste à cet ensemble tragique.

Au risque d'en décevoir certains, la fusillade est brève, peu explicite, ce n'est pas l'orgie du sang et du chaos, seulement la manifestation de deux jeunes incompris et qui ne comprennent pas. Certains auraient pu jouer la carte de la fracture à l'instar de La Vie est belle : une première partie joyeuse et attendrissante puis un plongeon dans la noirceur et l'anarchie. Van Sant présente la vie telle qu'elle est, morne et monotone avec ses tout petit plaisirs bien futile face à la mort. On peut y voir ici le message central du film, vivre pour exister et non en l'attente de demain, demain qui sera peut-être le dernier jour de notre vie.

A aucune moment on ne tombe dans la psychologie. On effleure la profondeur des êtres sans entrer dans leur complexité. Les choses sont ainsi et les conséquences qui en découlent ne peuvent être changée. C'est véritablement en gardant un recul total sur les choses avec un regard quasi objectif que le film arrive à faire prendre conscience de l'importance d'agir sur l'être en lui-même. Bien sûr, certains facteurs sont évoqués par des très courts passages mais le malêtre profond, lui, est déjà présent et ne sera jamais traité - et tant mieux.

La platitude d'action et de dialogue choisie par le réalisateur ne plaira pas à tout le monde. Certains plans trop longs risquent d'en rebuter certains mais tout ce que fait Van Sant dans ce film, il le fait bien. La banalité du quotidien se retrouve dans chaque plan, dans chaque personnages, chaque dialogue, chaque mouvement de caméra.

En montrant la mort puisant sa source dans le malêtre, Gus Van Sant fait un éloge de la vie en tant qu'existant, poussant le spectateur à apprécier le moment présent, à stimuler sa vie pour la sortir de la banalité.
Naoki38
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Parce que les plans séquences c'est quand même formidable

Créée

le 4 sept. 2011

Critique lue 453 fois

3 j'aime

1 commentaire

Naoki38

Écrit par

Critique lue 453 fois

3
1

D'autres avis sur Elephant

Elephant
Sergent_Pepper
7

Parcours par chœurs.

Du premier au dernier plan, Elephant s’impose comme une étrange mécanique, un objet hybride qui prend le parti de nous emmener hors des sentiers battus et de fouler au pied les attentes dont il peut...

le 1 mai 2015

104 j'aime

3

Elephant
Pimprenelle
5

Esthétique mais chiant

Je ne suis pas un esthète, j'aime les films qui racontent une histoire. Elephant est un peu une exception à cette règle. Car du film, c'est vraiment l'esthetique qui en est l'aspect le plus marquant:...

le 16 févr. 2011

88 j'aime

15

Elephant
Deleuze
8

La loi du lycée

Elephant est en quelque sorte l’évolution de Freaks (1932) projetée dans le monde moderne. Je parle d’évolution sans avoir la prétention d’affirmer une hausse qualitative mais plutôt avec la...

le 15 sept. 2013

62 j'aime

8

Du même critique

Le Temps de l'innocence
Naoki38
9

Une oeuvre originale mais ultra fidèle

La première chose qui frappe en voyant Le Temps de l'innocence est son immense fidélité à l'œuvre originale de Wharton. Le moindre détail, la plus petite description est retranscrit par Scorsese dans...

le 1 oct. 2011

13 j'aime

4

Instinct
Naoki38
9

Underrated

Je suis assez surpris du peu de considération qu'a pu recevoir ce film auprès des membres de Senscritique. Instinct n'est en rien plus mauvais qu'un film comme L'armée des 12 singes qui a pourtant...

le 26 juil. 2013

11 j'aime