Je me suis plusieurs fois demandé ce qui faisait la force de Elephant. Peut-être son sujet ou sa construction si particulière qui en font un film à part presque irréel. Son incroyable force m'a toujours donné un claque puissante mais revigorante. J'ai toujours été fasciné, dans le bon sens du terme, par la violence que l'on peut faire à autrui.


Comment celle-ci naît à l'intérieur de quelqu'un pour, un jour, explosé et créer des horreurs. Je ne peux pas m'empêcher de penser à cette aspect très peu compris par la plupart des gens : d'où vient la violence ? C'est sans doute une question très particulier à poser mais la réponse est vite trouvé, des autres. "L'enfer, c'est les autres" disait Sartre, cet aspect de la violence qui donne à l'autre tous les torts est à mes yeux le plus grand dénis que l'homme se montre capable de faire.


Je ne sais pas si c'est à cause de mon jeune âge ou de ma sensibilité qui est peut-être trop accrue mais la notion de violence au sein d'un lycée ou impliquant de près ou de loin un enfant ou un adolescent me met mal l'aise. D'une part, parce que forcément il est toujours questions de "et si cela m'arrivait ?" et bien que peu probable dans notre pays cette quiétude ne peut que s'accroître avec l'insécurité. D'autre part, un sentiment de tristesse profonde qui, je le pense, est là commun à toute les personnes qui sont face à de tels actes.


Elephant nous renvoie à une certaine lassitude de la vie dès l'âge du lycée, comme si nous avions déjà roulé notre bosse et vu toutes les choses de la vie, comme si même le baiser froid d'une jeune fille ne pouvait réveiller en nous les sentiments nouveaux de la jeunesse. Les plans-séquences se croisent comme des personnages silencieux et imaginaires qui n'existeraient que pour nous montrer les prochains lieux des événements à venir.


La sensibilité que dégage ainsi de ce film est étonnante. Durant les trois-quarts du film, on est dans l'exposition des personnages, nous pensons pouvoir les connaitre mieux, nous les découvrons, leurs amours, leurs désespoirs, leurs attentes, leurs rêves, leurs passions. L'un immortalise la vie par la photo, d'autres, amoureux, s'en vont s'aimer le loin possible, d'autres encore tente de vivre avec leur différence, en vain. Tout, pourtant, les ramène à leur destin. Cette attente créée par cette exposition est brutalement coupée par la scène de la fusillade.


Elephant donne un aspect humain à des actes qu'ils ne le sont pas, dénonce évidemment un mode de vie violent ou bercé dans une culture de la violence. Les Etats-Unis se targuent d'être le pays de la liberté où chacun peut posséder le droit de vote, le droit d'expression et le droit de tuer. Le premier amendement de ce grand pays défend ce droit, droit à violence et la décence, à la méfiance et à la tuerie. C'est sans doute une des thèses les plus discutée : faut-il ou non défendre le droit au port d'arme ? Je ne pense pas qu'il faille se pencher sur cela, il y a tellement plus important. Chacun est en droit de penser ce qu'il veut de cela, mais chacun des cris poussés contre cette violence légale n'est qu'un souffle dans un tempête de violence.

Ekkeroy
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le 15 mai 2015

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Ekkeroy

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