Un Gus Van Sant habité mais ennuyeux. Dommage...

Pour mon cycle Cannes de cette année, j'ai commencé par "La Dolce Vita" avec l’inénarrable Marcello, j'ai continué sur "Pulp fiction" (et sa galerie de trognes rentrée dans la mémoire collective), "Elephant" (film sur lequel je vais donner mon point de vue), et j'ai terminé avec "Entre les murs", le film humaniste de Laurent Cantet, auréolé en 2008. "Elephant" ou une journée particulière automnal dans un lycée américain. Gus Van Sant, dont j'apprécie énormément ses réalisations ("My own...", "A la rencontre...", "Will Hunting") m'a ici légèrement mis de côté. Avec sa caméra toujours virtuose (ses longs plan-séquences, son travail sur tous les travellings avant, arrière... , sa capacité à enchaîner sur des images fixes) et son sens du montage qui vise à suivre ses acteurs (non professionnels sur ce tournage), Van Sant a l'art de s'égarer pour ne filmer que son décor. Van Sant oublie ses acteurs et se concentre davantage sur le lieu filmé, le lycée. Dommage... En revanche, le metteur en scène atypique n'en découd pas moins pour instaurer une ambiance bien à lui, tout en parlant des problèmes de l'adolescence (violence, alcool), l'un de ses thèmes fétiches (et récurrents !). Sa facilité de rentrer dans une atmosphère qu'il affectionne depuis bien longtemps se fait ressentir grâce notamment aux couleurs qu'il utilise (ce bleu marine qui donne une impression de froid), la musique qu'il nous offre (formidable morceau de Beethoven qui a l'art de nous apaiser. Original, non ?), et les scènes changeantes (formidables flashback) mirobolantes au possible. Tous ces points font qu'on a bien droit à un Van Sant complètement habité par l'histoire qu'il veut nous raconter. Tout cela sans mobiliser ses acteurs, pourtant tous excellents. Monsieur Van Sant ne s’apitoie pas sur le sort que réserve certains perturbateurs, il reste toujours sous la forme d'un documentaire qui relate les faits, qui constate. En cela, le problème des armes à feu est ainsi mis à nu par un Van Sant complètement appliqué et convaincant. Finalement, "Elephant" reste un Van Sant habité mais déshumanisé, n'en déplaise à ses acteurs. Spectateurs, préférez le brûlot-bowling de Michael Moore. PS : "Elephant" a reçu la Palme d'Or ainsi que le Prix de la mise en scène à Cannes en 2003.

brunodinah
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le 11 mai 2019

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