Electric Dreams
6.4
Electric Dreams

Film de Steve Barron (1984)

Même si Electric Dreams n'est pas véritablement un film traitant des jeux vidéo, pas directement, il n'en demeure pas moins intéressant pour plusieurs raisons. Réalisé par Steve Barron, grand gourou des débuts du vidéo clip, réalisateur des Tortues Ninjas (1) (fragment de la culture pop dans laquelle s'intègre les jeux vidéo), le film est très représentatif d'une manière de voir, et de penser, les jeux vidéo au cinéma. Entre attraction et répulsion, Electric Dreams balance.


I) Un pur produit 80's


Sorti en 1984, Electric Dreams est un bon reflet de son époque. Le long métrage comporte de nombreux clips, ou phases non narratives comme on peut le voir dans un Rocky IV par exemple (la scène où Rocky roule dans la nuit, songeur). Ainsi, le spectateur assiste à de longues phases musicales à la mise en scène très clipesque.


L'ordinateur doit écrire à un moment donné une chanson sur l'amour, à la demande de Miles Harding, son propriétaire. On voit alors se dérouler un véritable clip, mettant en scène la fameuse chanson. Le réalisateur multiplie les effets visuels (un côté expérimental/hight tech avec l'ordinateur qui génère des formes renvoyant à une esthétique très monde virtuel) et les angles audacieux, de nombreuses coupures clip oblige.


Il n'est pas étonnant de faire un tel constat quand on voit que Steve Barron est connu jusqu'alors pour être un grand réalisateur de clips au début des années 80 avec la montée en puissance de MTV. Il transfère simplement ses compétences sur le sujet dans un long métrage sans pour autant verser dans le film/clip comme le fera Michael Jackson.


D'autres chanson viennent ponctuer l'histoire, elles n'apportent aucun indication, aucune progression véritable. Ce sont plus des excercices de style, visuels. On voit l'amour via la chanson d'amour. Le rêve via la chanson sur le même thème, etc. Ce procédé du clip est assez symbolique de ces films américains de l'époque s'imprégnant d'une manière de faire naissante et ayant le vent en poupe.


II) Un triangle amoureux étonnant


Electric Dreams a beau parler de nouvelles technologies, un ordinateur dernier cri capable de faire un tas de choses, il n'en demeure pas moins que l'un des ressorts utilisés par le réalisateur est le triangle amoureux. Configuration ultra connue que l'on retrouve, sous des formes diverses, de l'Antiquité (tragédies classiques) à nos jours.


Une relation intime se noue entre les deux protagonistes, humains, principaux. Miles Harding, architecte tête en l'air et assez réfractaire aux nouvelles technologies, et Madeline, musicienne talentueuse. Miles tombe amoureux de Madeline, séduisante nouvelle voisine, seulement elle sort d'abord avec un séducteur né, musicien également. Rapidement, les deux voisins tombent tout de même amoureux (après une scène niaise à souhait où l'architecte empotté enchaîne gaffe sur gaffe).


Seulement, l'ordinateur de Miles jalouse Madeline et veut caresser, toucher, aimer la jeune femme. Lui aussi. Un triangle amoureux se développe ainsi avec une machine comme élément perturbateur. Le tout oscille entre le traitement sérieux (la colère de Miles qui en arrive à vouloir détruire l'ordinateur, il se ramène à la fin du film avec une hache) et la bouffonerie (la machine qui demande à être caressée).


II) La peur et la fascination des nouvelles technologies


Electric Dreams est au fond très significatif de la vision américaine, via le cinéma, de cette tendance économico-culturelle. Les nouvelles technologies se démocratisent, les ordinateurs pour la maison, les consoles de salon. Les progrès sont rapides, les possibilités nombreuses. On observe donc une certaine attraction. L'ordinateur peut tout gérer dans le film grâce à des prises électriques spéciales : frigo, micro-ondes, portes...Il peut aussi être créatif. Il réalise des chansons, aide l'architecte dans son travail...Le tout est doublé d'une répulsion/crainte. La domination de la machine sur l'espace domestique (au final, l'ordinateur contrôle la vie de Miles), qui se rebiffe, développe des sentiments humains (haine/jalousie). Le serviteur devient tyran.


Nombreux sont les films de cette époque à mettre en avant ces nouvelles technologies. D'une part, pour coller à l'époque et montrer la fascination réelle que provoque ces machines, sans tomber dans l'adoration complète. Il y a toujours une réserve, comme une méfiance, parfois accompagnée d'un certain moralisme. Pour preuve, la fin de Electric Dreams amène le couple, libéré de l'ordinateur, à partir sans aucune machine, sans rien. Juste une ballade en voiture, pour se ressourcer. Si ce n'est pas un discours moraliste et réactionnaire, libérons-nous des machines, revenons à l'essentiel, la nature. Le tout distillé par l'intermédiaire d'une bluette.


D'ailleurs, petite parenthèse, on constate l'insertion de quelques images de jeux. Des insertions plus opportunistes que motivées, comme pour proposer un vernis un peu clinquant et aguicheur. On découvre, au détour de quelques plans, une sorte de Pong ou un jeu de boxe. C'est rapide, succint et sans grand intérêt.
Conclusion


Electric Dreams est un film mineur. Une simple romance sur laquelle repose le vernis des nouvelles technologies, tendance forte de l'époque. On ne retient pas grand-chose le film terminé, si ce n'est une utilisation originale du triangle amoureux et cet aspect clipesque forcément dâté. On aurait aimé plus, soit du côté réflexif (Existenz), soit du côté esthétique (Le Cobaye). Il n'en est rien. Electric Dreams joue sur un autre tableau, plus conventionnel, et le fait plutôt mal. Dommage.


1 - Une autre analyse du film : http://www.cinetudes.com/ELECTRIC-DREAMS-de-Steve-Barron-1984_a191.html

Al_Foux
4
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le 30 déc. 2015

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Al Foux

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