Je ne connais pas le cinéma d'Aranoa, donc je resterai circonspect à son sujet. Cela donne tout de même envie de creuser.
Je ne ferai pas de synopsis complet, mais pour faire simple, on suit les journées de Julio Blanco, un patron d'entreprise moyenne spécialisée dans les balances, qui est dans tous ses états car il veut décrocher le label de l'entreprise la plus responsable, et les inspecteurs peuvent venir à tout moment. Or ce personnage très soucieux de sa respectabilité à bien des tracas à affronter : un responsable logistique fait n'importe quoi car sa femme sort avec son subordonné arabe bien plus compétent ; parmi les petites stagiaires qu'il a l'habitude de soulever, l'une d'elle a une présence et une conscience d'elle-même inhabituelle ; un employé licencié décide de camper devant l'entreprise en hurlant dans un haut parleur, sous le regard empathique du vigile. Et bien d'autres petits fils narratifs entremêlés.
La structure du film est organisée par journées, ce qui a un côté un peu répétitif, voire prévisible. Le film donne à voir la veulerie, mais aussi les calculs du personnage pour obtenir ce qu'il veut. Et surtout son hypocrisie. Désireux de se montrer comme un entrepreneur qui risque sa santé pour son travail, il a en réalité hérité de la boîte de son père et passe son temps à éplucher les réseaux sociaux de ses employés et à manigancer.
Le film suggère lourdement que l'entreprise fonctionnerait bien mieux sans lui. Il dénonce évidemment le machisme (terrible scène où les stagiaires passent "pour rire" sur une balance à vaches), la xénophobie latente, les solidarités entre ex-franquistes, le discours creux sur le sens de l'effort et la justice, etc... Mais au final, le patron obtient plus ou moins ce qu'il veut. Et l'on est un peu prisonnier de la performance remarquable de Javier Bardem, à la fois force et faiblesse du film, les autres personnages n'étant que les jouets de son coffre à jouet.
Au final, j'en retiens une vision au vitriol, mais un peu poussive, qui dépeint le monde de l'entreprise comme une cruelle comédie d'apparences, mais sans proposer vraiment autre chose. Je rapproche le film du cinéma de Chabrol, mais un Chabrol milieu de gamme.
Vu au Méliès à Pau avec deux vieilles dames.