Eiffel, les pieds dans l'eau...

Martin Bourboulon s'est évidemment attaqué à un monument... Son attaque se fait sous un angle singulier, celui d'une passion impossible instigatrice d'une œuvre et d'un chantier paraissant tout autant impossibles. Les destins du chantier et de l'histoire d'amour seront différents... Ce parti pris n'est pas sans rappeler un autre monument, cinématographique celui-ci. Titanic était devenu l'un des plus gros succès du cinéma mondial car son réalisateur James Cameron avait réussi à imbriquer la grande Histoire dont tout le monde connaissait la fin et une histoire à taille humaine, rafraîchissante et trépidante qui tiendrait les spectateurs en haleine jusqu'au dernier souffle... La mise en image de la passion liant Gustave Eiffel à Adrienne Bourgès n'était malheureusement pas aussi convaincante que le spectacle émouvant de l'aventure sensuelle que vécurent Rose et Jack. Même si les comédiens sont presque irréprochables (Romain Duris, talentueux, ne parvient pas toujours à s'effacer devant Gustave), cela ne prend pas. Il manque des moments de complicité entre les amants, de témoignages sur ce qui les lie et à la différence de la passion Titanesque, cette relation-ci influence trop le projet architectural pour être réaliste. L'idée était audacieuse et un cinéaste, dans son rôle de créateur et d'attrape-rêves, est parfaitement légitime pour romancer l'histoire officielle mais nous avons du mal, aussi intense qu'ait pu être leur relation, à imaginer que l'édification de ce monument universel soit autant dûe à l'attention que porta l'architecte Gustave à la notable Adrienne. Les enjeux étaient bien trop importants, les protagonistes trop nombreux, divers et influents pour que la passion amoureuse d'un seul homme soit à ce point décisive.
Peut-être qu'en liant la destinée de la grande tour à un personnage plus secondaire (comme celui de sa fille par exemple) dans le contexte sociétal et historique passionnant du Paris de la fin du XIXeme siècle, le spectacle aurait été plus crédible et donc mémorable.
La prouesse inventive, technique et humaine que représente l'édification de ce colosse de fer, au lendemain de la défaite française de la guerre de 70, en pleine révolution industrielle et dans une société fracturée, aurait mérité un traitement plus fin et sans doute plus pédagogique. Heureusement, le caractère éternel de cet exploit architectural permettra à d'autres cinéastes de s'emparer de nouveau du projet et de faire briller dans nos salles obscures les mille feux de notre monumentale Dame de fer nationale, témoin du passé à jamais futuriste.