Après l'avoir revu récemment, je trouve que ce film a quelque peu vieilli dans son esthétique. Néanmoins, je lui conserve mon coup de cœur et une place de choix dans la filmographie de Mister Tim. Avec le recul, on pourrait dire que c'est une œuvre sans surprise pour Burton. On y retrouve en effet la quintessence de ses obsessions visuelles et narratives.
A commencer par le héros marginal et lunaire, résultat d'un ratage involontaire dans la lignée des expérimentations périlleuses de Victor Frankenstein (une référence pour le cinéaste, forcément) - un Edward interprété de manière juste et sensible par un Johnny Depp pas encore dépassé par sa caricature.


On y retrouve aussi le tableau d'une de ces banlieues américaines que Tim Burton n'a pas son pareil pour transformer en cauchemar. A première vue, le contraste est pourtant saisissant - et exagéré à dessein - entre la vieille demeure perchée sur la colline, ancien manoir de prestige réduit désormais à l'état de ruine abritant un "monstre", et les rues rectilignes où vivent les "bonnes gens" de la ville. Tout est propret, organisé, copié-collé. Les murs affichent des couleurs guillerettes, les pelouses concurrencent le gazon anglais, et les habitants respirent la santé et la joie de vivre. Du moins, jusqu'à ce qu'on creuse (pas beaucoup, le mal affleure toujours à la surface des choses), et qu'apparaissent les mesquineries, jalousies, rancœurs et hypocrisies qui constituent la vérité de l'être humain. Burton se régale à mordre dans ce gâteau au goût de rance et à le recracher au grand jour, avec une jubilation de sale gosse qui fera le sel d'autres de ses meilleurs films (Mars Attacks ! en premier lieu).


On ajoute à ce cocktail des acteurs excellents (jolies retrouvailles avec une Winona Ryder très émouvante, et une apparition touchante de Vincent Price, acteur adulé par Burton qui lui a consacré l'un de ses premiers courts métrages). Et, inévitablement, la touche musicale inimitable de Danny Elfman, partagée entre des passages merveilleux tirant le film vers le conte fantastique, d'autres virtuoses qui pour sublimer le talent singulier d'Edward, et d'autres encore pour accompagner la descente aux enfers de son héros, Pierrot innocent confronté au pire de l'homme.


Si, comme je le disais au début, l'image du film accuse un peu le poids des âges, le propos n'a pas pris une ride. Ni la sincérité avec laquelle Tim Burton le traite. Ce qui fait toute la différence entre ce long métrage et ses prestations plus récentes, qui manquent de cette âme, à la fois cruelle et enfantine, dont les fans du réalisateur sont amoureux.
Pour moi, un incontournable.

ElliottSyndrome
9
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le 10 déc. 2019

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ElliottSyndrome

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