La musique, dit-on, adoucit les mœurs... Ici, elle est surtout le personnage principal d'un film qui se veut générationnel. Mia Hansen-Love filme l'effervescence - aidée par la drogue - d'une génération qui sort la musique non pas du placard mais du garage pour la faire résonner dans de grandes raves dont les lendemains ne chantent pas mais sont difficiles. Son film est l'histoire d'un parcours - comme toujours - mais cette fois masculin. Mais c'est avant tout celui d'un éveil au monde, d'un réveil brutal ... et d'une émancipation. Le film casse constamment son rythme entre soirées et création, entre le désir d'aller de l'avant et la frustration de voir le monde avancer sans soi. Ces personnages là, à l'image de la première séquence du film, vivent dans la nuit permanente, dans une esthétique, dans leurs histoires d'amour plus ou moins foireuses. Mia Hansen-Love filme, au-delà d'une génération, un microcosme parisien aux rêves d’Amérique. Son microcosme parisien puisqu'elle conte là l’ascension (et la chute) fulgurante de son frère (qui a co-écrit le scénario) Sven ici rebaptisé Paul.

La réalisatrice s'échappe de ce qu'elle savait le mieux faire jusqu'alors : des films romantiques et sensibles à l'heure où tout va vite. Elle semble mieux adhérer à l'effervescence du monde même si, là encore, son personnage principal est en perte de vitesse... Alors que le monde avance, il veut retrouver son passé, celui avant la perte de l'innocence. "Quelque part entre l'euphorie et la mélancolie", voilà précisément la grande réussite du film : réussir à parler de notre quête à tous - avancer sans se trahir, se donner un avenir tout en regardant derrière soi - en parlant d'un individu. Tous ceux que l'on croise pendant ces deux heures où l'on a envie de danser et de crier sont aussi agaçants qu'attachants et nous donnent à vivre une passion, un idéal : celui d'une machine associée à une musique plus traditionnelle (la voix humaine) qui peu à peu se laisse rattraper par son destin : l'électro. Les personnages ont sans cesse la gueule de bois et traversent les années 90 comme un rêve avant de se réveiller à l'aube des années 2000 avec des machines entêtantes plein la tête et une certitude : avoir grandi sans pour autant renoncer tout à fait. Si cette grande fresque échappe parfois à Mia Hansen-Love, elle livre un film passionnel qui va à la découverte d'une époque, d'une musique et propose sa propre lecture d'un parcours, de plusieurs parcours qui se croisent entre création, amitié et chassé-croisé amoureux où l'on aperçoit quelques visages connus sous les traits d'actrices internationales. La réalisatrice s'est laissée enivrer par une force : le collectif et donc l'euphorie sans oublier ce qui fait sa force : la mélancolie.

Créée

le 23 nov. 2014

Modifiée

le 23 nov. 2014

Critique lue 760 fois

9 j'aime

2 commentaires

eloch

Écrit par

Critique lue 760 fois

9
2

D'autres avis sur Eden

Eden
Sergent_Pepper
4

Refoulés

Si l’on me proposait un chèque, si l’on faisait appel à ma fibre patriotique, si l’on me demandait de défendre la jeunesse du cinéma national, si l’on me menaçait avec un objet contondant, je...

le 24 nov. 2014

40 j'aime

6

Eden
BorisCCP
3

Y a-t-il un scénariste dans l'avion ?

J'ai assisté à l'avant-première du fameux. Okay, ce film a été long à faire, a été un investissement et a une dimension familiale puisque finalement Paul c'est un peu le frère de la réalisatrice...

le 14 nov. 2014

35 j'aime

3

Eden
goldie
8

Cold fever

Petit matin de rave en grande couronne parisienne. Paul marche quelques minutes en forêt auprès d’un groupe d’Anglaises – il s’égare volontairement, s’assoit sous un arbre, pour quelques minutes qui...

le 22 oct. 2014

24 j'aime

7

Du même critique

Juste la fin du monde
eloch
4

Le cinéma de Dolan est mort, vive le cinéma !

Qu'il est difficile de s'avouer déçue par un cinéaste qu'on admire beaucoup et dont l'oeuvre a su nous éblouir, nous toucher, nous transporter. Oui, je l'écris, ce dernier Dolan m'a profondément...

le 21 sept. 2016

116 j'aime

12

The Voices
eloch
7

"Sing a happy song"

Marjane Satrapi a été sélectionnée au festival d’Alpe d’Huez début 2015 (qui s’est déroulé du 14 au 18 janvier) pour son dernier film. Disons qu’au premier abord ça ne ressemble pas vraiment à la...

le 20 janv. 2015

91 j'aime

7

Chungking Express
eloch
10

" Hier, on se regardait à peine ... Aujourd'hui nos regards sont suspendus "

"Chungking express" est un film que j'ai trouvé absolument merveilleux je dois bien vous l'avouer, je suis sortie de la salle où j'ai eu la chance de le voir pleine d'une belle joie, de l'envie de le...

le 27 févr. 2013

90 j'aime

24