Eatern Boys est un film de combat. Un film de corps-à-corps doublé d'une lutte à mort pour la préservation de son territoire.


Il y a d'abord ce trio de personnages : Daniel, Boss et Marek.
Daniel (excellent Olivier Rabourdin) un homosexuel qui approche la cinquantaine et se laisse tenter par un partenaire sexuel beaucoup plus jeune. Boss, en chef de meute, qui apparait comme dur avant de montrer des fragilités. Et Marek qui passe de l'un à l'autre tout en cachant son passé derrière des prénoms d'emprunt (Marek, puis Rouslan...(Durak même?)).
Ces trois-là vont s'affronter dans une lutte autour des territoires qu'ils considèrent comme leur.
La gare de l'Est est le premier "terrain de chasse" du film, celui que fréquentent des bandes de jeunes hommes venus des pays de l'Est mais également lieu de rendez-vous de quelques hommes en manque de sexe. Un territoire en partage donc.
Second territoire, l'appartement de Daniel, domaine d'autant plus personnel que ce quinqua dont on ne saura pas grand chose de l'histoire passée, vit seul. L'intrusion de Boss et sa bande dans ce logement constitue une première rupture dans le respect des territoires respectifs. Scène qui donne d'ailleurs lieu à une opposition spectaculaire : opposition de culture, de corps, de richesse...
Troisième territoire, l'hôtel, la tanière de Boss et de sa bande. Un refuge temporaire et un lieu de non-droit. Deuxième rupture et troisième acte : l'incursion de Daniel dans ce territoire. Un raid dont la conséquence sera pour Boss de tout perdre comme Daniel auparavant. Lorsque Boss retourne à l'appartement de Daniel pour régler ses comptes : celui-ci est vide. Daniel a pris soin de déménager, de changer de "tanière".


Le film pose par ailleurs plusieurs questions intéressantes : celle du rapport au corps et à l'âge. Celle du rapport à la matérialité. Daniel se voit une première fois dépouillé de son petit univers, de ses biens de consommation : déco, télé, miroir.... Mais cela ne compte plus pour lui. Seul compte le désir. Puis l'attachement. A l'inverse, Boss qui ne possède rien de matériel au départ, possède une précieuse famille : des "frères", une compagne, un enfant... A la fin, Boss a perdu l'essentiel - sa famille - là où Daniel commence la sienne avec un nouveau fils.
Car Eastern Boys est aussi un film "social" qui montre le télescopage du monde occidental avec celui des réfugiés. Ils sont "de l'Est" mais pourraient tout aussi bien venir du Sud ou d'ailleurs. C'est la confrontation de deux univers. Cependant le regard porté par Robin Campillo n'est jamais celui du jugement moral. Aucun manichéisme non plus dans le traitement des personnages qu'ils soient issus du premier monde (Daniel, la gardienne) ou du second (Boss, Marek, sa bande). Chacun a son point de vue sur la façon dont il peut mener sa vie. Daniel comme Boss seront tour à tour héroïque et pathétique.


Un film courageux dans la façon très directe dont il aborde les relations entre les hommes : rapports de pouvoir, de force, de désirs...
Un film à redécouvrir alors que sort en salle "120 battements par minutes" le dernier film de Robin Campillo.


Personnages/interprétation : 9/10
Scénario/histoire : 9/10
Mise en scène/réalisation : 8/10


9/10 +

Theloma
9
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le 23 mai 2014

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Theloma

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