Tiré à quatre épingles, dans la veine du cinéma ripoliné à la Fincher, mais plus pictural (donc plus intéressant), forcément un peu pompier (toujours à la limite puis en plein dedans), Dunkerque affiche sa stylisation non réaliste lors d'une improbable séquence d'ouverture. Même si quelques sous-titres replacent le film dans son contexte historique, le spectacle proposé illustre un point de vue, certes discutable mais assumé.
Triple bonne nouvelle : la durée raisonnable, la fluidité de la partition de Zimmer et surtout l'absence quasi totale de dialogues permettent enfin à Nolan de n'assommer personne. Si les frottements temporels brouillent un peu la narration, le procédé permet de suivre trois actions en parallèle au lieu de les voir se succéder. Ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée.
Le véritable intérêt tient au sujet : en racontant l'histoire d'une déroute, Nolan désorganise les corps d'armée, faisant jaillir la peur et la panique des hommes, très jeunes, perdus dans les rues et sur la plage, ne cherchant qu'à déguerpir et rentrer chez eux. Le regrettable épilogue, totalement pompier du coup, nationaliste et héroïque (alors que tout part à vau l'eau) diminue le sentiment de défaite que le reste du film véhicule, sans cependant parvenir à le faire oublier. Récit d'abandon et de panique, Dunkerque aurait gagné à davantage de noirceur. Un autre que Nolan, moins mainstream, plus radical (et désespéré) aurait pu explorer cette piste avec davantage de persévérance.
Tout propre qu'il soit, le film réussit à respirer de manière organique, principalement dans les séquences consacrées aux jeunes Highlanders. Troupe en désordre de jeunes mâles désorientés, le groupe dont Tommy fait partie illustre à lui seul la défaite des alliés. Les dialogues, réduits au seul rôle informatif, permettent alors à la mise en scène de suivre les comportements presque animaux des recrues en perdition sans en parasiter la dynamique. Nolan semble enfin faire du cinéma !
Certes loin du chef d'œuvre annoncé, Dunkerque n'en demeure pas moins ce que Nolan a proposé de mieux depuis Le prestige. Frappé dans sa dernière partie par le pompiérisme désormais en vogue, le film réussit pourtant à tenir un double point de vue, pictural et narratif, plutôt intéressant.