Pour les connaisseurs seulement

" Le film culte de David Lynch " tapine la putassière pochette du DVD. Mouais. Dune est surtout connu comme le grand ratage de Lynch, film maudit qui a su trouver les faveurs d'une frange somme toute réduite de spectateurs. Et je pencherais plutôt de ce côté, sans jamais y tomber vraiment. Dune n'est pas le massacre auquel on peut s'attendre. C'est en fait un assez bon résumé du premier livre de la saga de Herbert. Un résumé, pas une œuvre indépendante. C'est là que le bât blesse.


La plupart des faits racontés sont fidèles à leurs homologues de papier, mais Lynch va droit à l'essentiel. En virant une bonne partie du délire mystique de Herbert, le film évite la lourdeur de ce dernier mais, paradoxalement, sacrifie aussi la cohérence de l'univers. De fait, cette version cinéma est sans doute pratiquement incompréhensible pour qui n'a pas lu l’œuvre originale. Comme ce n'était pas mon cas, j'ai pu toutefois ressentir un certain plaisir à revivre l'épopée de Paul Muad' Dib, mise en image par l'imagination dérangée de Lynch. 

On a tout de même du mal à retrouver la patte du cinéaste, à part sur de petites touches, comme le design du Navigateur et celui des Vers de sable... L'esthétique globale est pourtant loin d'être l'étron lambda d'une production purement commerciale. Il y a beaucoup de bonnes idées visuelles, forcément un peu étranges, assurées par des effets spéciaux, des décors et des maquettes toujours assez convaincants aujourd'hui, si l'on accepte de prendre un recul de trente ans, malgré quelques ratés. Parlons notamment des boucliers énergétiques qui brouillent l'image (l'idée du siècle pour empêcher le spectateur de comprendre ce qui se passe à l'écran) ou encore des sourcils des Mentats, tout simplement dégueulasses (pauvre Brad Dourif, toujours un souci avec ses sourcils).


Du côté des ennemis, par contre, il n'y a rien à sauver: les Harkonnen ne sont qu'un ramassis de clichés franchement ridicules. Entre un obèse homosexuel pas beau, couvert de pustules, qui vole, et un séduisant Sting en string qui cabotine, faites votre choix. Heureusement, Paul est merveilleusement bien interprété par un Kyle MacLachlan (l'agent Dale Cooper de Twin Peaks) déjà excellent dans son premier grand rôle. Fier, charismatique, il n'oublie pas de rester profondément humain et attachant, à contrario de son horripilant modèle littéraire. Kyle, je te kiffe. Vivement ton retour dans la nouvelle saison de Twin Peaks. Mais je m'égare...


Faisons une brève allusion à la BO, vraiment pas mal, avec même quelques élans épiques. Mais pourquoi si peu de pistes ? Pour économiser le budget ou parce que de la musique répétitive est censée faire entrer le spectateur en transe ? Tout le film est ainsi, détenteur de bien belles choses qui s'accompagnent toujours de leur morne revers. Difficile donc de parler de film culte: artistiquement intéressant, bien que bancal, et scénaristiquement à la rue, bien que fidèle dans les grandes lignes à son matériau d'origine. Et ce n'est pas la version longue, montée de bric et de broc par les producteurs, qui arrange les choses... Mais les fans du livre, eux, déjà à l'aise avec l'univers d'Herbert, pourront sans aucun doute se laisser porter par ces images étranges, mais d'un coup beaucoup plus logiques, et qui auraient pu accoucher d'un grand film, qui sait...


"C'aurait pu être pire, John. Bien pire." (Samuel L. Jackson, Jurassic Park)

Amrit
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de David Lynch

Créée

le 20 janv. 2016

Critique lue 6.6K fois

24 j'aime

9 commentaires

Amrit

Écrit par

Critique lue 6.6K fois

24
9

D'autres avis sur Dune

Dune
Sergent_Pepper
2

Sleeper must awake... et le spectateur ?

En matière de culture, j’ai une certaine éthique que d’aucuns pourraient considérer comme de la pathologie encyclopédiste : quand j’aime vraiment un auteur, un cinéaste, un musicien, je m’intéresse à...

le 29 août 2013

74 j'aime

7

Dune
Jambalaya
5

Le ver est dans le fruit

Dune semble né d’un malentendu entre David Lynch et ses producteurs. D’un côté un réalisateur qui voulait que son film lui corresponde : de l’autre une production qui ne l’entendait pas ainsi. Savoir...

le 16 juil. 2014

64 j'aime

17

Dune
Deleuze
6

Pour qui kiff le kitch

Finis les space-operas où les vaisseaux futuristes sont rois, où le blanc laboratoire et le gris acier tracent des intérieurs froids et sérieux. Ici vous aurez dans votre vaisseau le charmant...

le 5 janv. 2014

46 j'aime

13

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 8 août 2012

230 j'aime

77

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

98 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

91 j'aime

5