Parle moi des eaux de ton monde natal, Usul

J'aurais apprécié d'entendre cette phrase dans le film, mais j'attends toujours. c'est peut-être d'ailleurs ça mon problème, j'espérais tout en sachant qu'on ne peut pas adapter pleinement l’œuvre de Frank Herbert. tout s'entremêle avec un degré de complexité difficile à décrire.

Je pense d'ailleurs que les scénaristes ont lu le livre sans rien y comprendre. Cet ouvrage est éminemment politique : on y parle de la religion et de son rapport au pouvoir, de la lutte contre la tyrannie, du déterminisme : L’homme peut-il est plus grand qu’un avenir tracé, surtout quand il le voit et sait seconde après seconde ce que arrivera (ouais, je spoile, mais c’est carrément l’histoire de Paul). On traite de l’écologie, de contraintes environnementales et de la manière de les gérer.

En gros, l’homme dans toutes ses dimensions, fait face au monde. C’est à travers lui que tout passe et finalement, c’est d’humanisme que l’on traite. D’ailleurs (sujet non abordé dans le film), les humains ont banni et interdit les machines pensantes, d’où les mentats et la guilde spatiale, qui permet grâce la prescience de voyager dans l’espace. Tout est lié.

le film a des qualités : il respecte scrupuleusement la trame narrative du premier tome, sans rien omettre. on n'est pas chez david lynch ou tout part en cacahouète dans les cinq premières minutes. alors, oui, il y a forcément des ellipses, mais ce n'est pas dérangeant. au moins, l'histoire est compréhensible.

le problème, et c'est là le gros point négatif du film, c'est que Dune est bien plus que cela. en fait, Denis Villeneuve a voulu faire un film d'atmosphère, de ressenti, alors que le livre est bardé de réflexions intérieures, de conflits et de plans. "des plans dans des plans, à l'intérieur de plans" est une phrase du livre, qui dit assez bien l'état d'esprit des protagonistes.

Pour le dire autrement, Dune est un livre bavard et ce film est d'une certaine manière silencieux. Ca ne va pas.

résultat, la plupart du temps, je comblais les vides permettant de comprendre les tenants aboutissants de telle ou telle scène. pour moi, des voix off, rendant cette complexité intrinsèque auraient été nécessaires.

Prenons l'exemple de la rencontre entre la shadout mapes et Jessica. Pour qui n'a pas lu Dune, bon courage pour y comprendre quelque chose. Le rôle de la missionaria protectiva, l'influence sur les fremen, le jeu mortel entre Jessica et son interlocutrice, prête à la tuer à la moindre erreur, tout cela est mal rendu.

ceci étant, c'est un paradoxe qu'il me semble difficile de dépasser. soit on rend compte de la densité du récit, et on prend un temps infini, soit on raconte l'histoire et on doit speeder, en négligeant certains aspects. cela me semble vrai, quel que soit l'ouvrage adapté, et plus encore quand on parle de Dune.

après, et ce n'est pas une surprise, les meilleures scènes sont des reprises directes de passages de l'ouvrage. la scène de fin, rencontre avec les fremen, est à cet égard impeccable. j'ai adoré.

pour finir, quelques mots sur les personnages.

Paul est très bien, certes il a 10 ans de plus que le personnage du livre, mais franchement, ça le fait.

Jessica qui perd ses nerfs à chaque instant ? c'est une Bene Gesserit, une sorte de guerrière ultime, une championne du contrôle mental et physique. ça ne tient pas debout une seconde.

Liet Kynes, un homme blanc dans le livre, est devenu une femme noire. ? . apparemment la pseudo culture woke sévit aux USA.

Chani. c'est le personnage joué par Zendaya, central dans l'histoire de Paul. mais le film est tellement bancal que personne n'a fait le lien. normalement, son visage et les mots "parle moi des eaux de ton monde natal, Usul" - on y vient :-) - apparaissent dans une des premières visions de Paul. mais bon, ça devait être trop difficile à mettre en place ...

la dite Zendaya, je la prenais pour une actrice de seconde zone, tant elle est fade. avant d'apprendre qu'elle était mannequin, productrice, je sais pas quoi. hum. nulle aurait suffit.

du côté des Harkonnen, ce n'était guère plus convaincant. Pieter de Vries n'a quasiment pas voix au chapitre (d'ailleurs, on ne dit pas un mot des mentats dans le film, on se contente de les exhiber sans explication) et le baron Harkonnen... ah non, ou est le mal, la perversité. il est juste obèse, point. très en dessous de ce qu'on pouvait attendre.

ah oui, leurs engins avec des ailes sont des ornithopteres (un profil d'oiseau, donc). les transformer en libellule, c'est bizarre. c'est presque la plus grande liberté prise par rapport au livre, finalement, le reste n'étant qu'ellipses permettant de tout caser en 2h30.

donc voilà, un bon film malgré tout, surtout à cause des visuels, et sans la doute la meilleure version actuellement. mais je crois définitivement que le sujet est casse gueule. mieux vaut se contenter de lire les bouquins.

Duckman
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le 20 janv. 2023

Modifiée

le 2 févr. 2024

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