Nicolas Winding Refn est un être à part. Cette critique est en quelque sorte un aveu. Un dépôt de bilan de ma part. Je rends les armes, et j'enterre la hache de guerre. J'aimerais rendre hommage à ce cinéaste que j'ai trop souvent dézingué de toute part. C'est la première fois, et c'est avec plaisir que je vais défendre ce film du mieux que je peux, que je vois Nicolas Winding Refn mettre son style au service de son oeuvre et pas l'inverse. L'interprétation que je vais en faire est très personnelle parce que le scénario l'est tout autant. C'est au spectateur de se faire sa propre idée et de choisir la route qu'il veut emprunter. La séquence d'introduction. La séquence d'introduction...
Il n'a pas de nom. Il n'est même plus Ryan Gosling. Son personnage est un fantôme du début à la fin. A la suite de la rencontre avec Irène, véritable renaissance pour lui ou dernière faiblesse, ce chauffeur qui multiplie les boulots plus ou moins honnêtes va faire le braquage de trop. Celui qui va bouleverser sa vie et la remettre définitivement en question. Alors il va prendre des risques. Il va devenir celui qui prend la vie des autres en main. Celui qui sauve et qui prend les responsabilités. Et tant pis si il doit y laisser sa vie : à l'intérieur, la force qui l'anime est autrement plus forte et plus dangereuse que n'importe quel autre homme.
Si l'histoire même du film demande une telle interprétation de ma part, c'est justement parce que le film donne tellement d'émotions différentes qu'il est possible de le voir très différemment en fonction de la sensibilité de chacun. La réalisation est magistrale. Nicolas Winding Refn réussit enfin à installer dans ses personnages une âme, notamment celle du héros principal, véritable mastodonte indestructible et transcendé par la prestation de Ryan Gosling, en retrait mais tellement puissant. Les autres personnages, assez stéréotypés et au destin tout tracé, contrastent avec notre protagoniste central qui peut se libérer et crever l'écran. Ses silences parlent pour lui. Quel charisme !
Le film jouit d'une tension qui est constante tout au long du film. Cette lenteur est présente à tous les niveaux. Ryan Gosling s'exprime d'une voix douce mais audible, et semble sans cesse sur la retenue. Elle fait partie intégrante des scènes notamment lors des braquages ou des plans en voiture. Quand le silence est rompu, c'est une musique très douce rappelant sans cesse l'introspection du personnage principal qui prend le dessus. Jamais dans l'excès, le réalisateur livre des plans merveilleux, sans cesse dans cette atmosphère orangée, jouant sur la lumière et les mouvements des corps pour installer ses modèles comme s'il s'agissait de tableaux. Le jeu des couleurs est une réussite totale. Les musiques envoûtent. Je ne vois d'autres mots pour les qualifier. Elles transportent.
La scène de l’ascenseur, sans la révéler, est d'une beauté technique et émotionnelle très impressionnante. Il est dans l'ombre, comme si il avait déjà disparu, comme si la suite était déjà écrite. Elle est en pleine lumière, belle et vivante, et tous les deux vont échanger cette complicité qui restera celle d'une espérance morte dans l’œuf.
Cette oeuvre atypique est une révélation pour moi. Elle me prouve que d'une part j'avais mal jugé ce réalisateur et que d'autre part il fait de ses trop nombreux effets de style une véritable pièce maîtresse de sa collection ici. Drive, conseillé par mon éclaireuse be_caroline dans le cadre d'une liste me rend très heureux et très essoufflé : j'ai encore l'impression d'avoir tant à comprendre, et j'adore cela. Heureusement, j'ai des éclaireurs pour me botter les fesses.
Drive est beau. Et il n'est pas beau au hasard. Il est beau avec un propos. Avec une consistance.
Il est beau parce que c'est un grand film. Enfin.
C'est exactement le film que j'attendais de la part de Nicolas Winding Refn.
Il y a même Bryan Cranston, bitch ! Une vraie belle claque dans la figure.