Parfois, l'untold mérite de rester untold

J'aime bien Luke Evans. Il a une bonne gueule. Et puis, c'est pas comme si c'était le pire des acteurs. On dirait presque Orlando Bloom après la puberté. D'ailleurs, à partir du moment où Orlando a eu l'air adulte, il lui ressembla presque comme deux gouttes d'eau, matez "Zulu" pour vous convaincre. J'aime bien Luke Evans, mais apparemment, le cinéma hollywoodien ne l'aime pas trop et refuse assez obstinément de lui faire confiance. Peut-être que son rôle dans la Saga du Hobbit va enfin changer la donne, mais pour l'instant, il faut se contenter d'un Dracula Untold, et attention, ça va piquer. Le vampire moderne a pris quand même sacrément cher. Entre Twilight et les apparitions minables dans des films fantastiques calibrés pour ados (type Mortal Instruments), ça ne volait pas bien haut. Fini, les Lestats et autres Louis, voire l'icône du comte issu de chez Coppola : le monde moderne a une espèce de vision très pauvre et très romantique-en-plastique de ce que cette créature pourrait être. 2014 sera-t-elle l'année de la révolution ? Eh ben...

Vlad Tepes a passé sa jeunesse chez les Turcs et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a bien retenu la leçon, surtout la militaire. Porté sur le pal, il en a fait sa grande réputation, apprenant à de braves croisés comment faire office de bannière pour son armée. Une petite réputation qui l'a suivi jusqu'à son retour dans les Carpates où il se fait Prince, s'assagit un peu et règne tranquillement, avec sa sublime épouse. Seulement voilà, ces maudits Turcs reviennent prendre leur tribut - jusque là, c'est normal, nous dit-on - mais en prime, ils veulent mille gamins ET le fils de Vlad, pour servir comme janissaire et otage. Là, faut pas pousser mémé dans les orties, Vlad dégaine l'épée et se décide à vendre son âme pour aller poutrer de l'envahisseur. Il a un bail de trois jours : tous les pouvoirs, toute la malédiction mais s'il ne se nourrit pas, au terme des trois jours, il redevient humain. Si jamais il se nourrit, la créature qui lui offre ce don sera libre et Vlad condamné à être éternellement une créature méchante et pas cool.
D'emblée, j'essaie de ne pas trop me laisser aller à la critique facile et pourtant, le script n'aide pas. C'est un peu comme l'histoire de Shining, où le père était déjà détestable avant même de devenir un monstre, mais à l'envers. Vlad, on s'attend à une créature complexe, quelqu'un qui a pris plaisir au pal mais tente de lutter contre sa nature et au final, ça ne va pas plus loin que l'habituel "ancien tueur à gage obligé de reprendre les armes". C'est un brave gars qui n'a jamais trop kiffé son taf et essaie de faire amende honorable en étant le meilleur monarque qui soit. Bouh. Du coup, le mec est ultra manichéen alors qu'on aurait pu en faire un parfait salaud, aussi fascinant qu'effrayant. Le souci, c'est que le récit ne s'arrête pas là. Si Vlad était encore qu'un indigeste gentil ayant fait des trucs de méchant, pourquoi pas. Mais en prime, c'est un sacré paresseux, le gars. Il a trois jours et des pouvoirs colossaux pour réduire à néant une armée et il a besoin des trois jours complets pour le faire, alors que d'entrée de jeu, on nous montre bien que mille hommes ne font pas le poids face à lui. Mais il glande grave. Histoire d'être bien à la bourre et d'avoir un ressort dramatique à faire jouer. C'est encore l'effet "pouvoir trop puissant" déjà vu dans "Days of the Future Past" : les scénaristes introduisent un pouvoir qui réduit à néant les enjeux de l'intrigue, mais plutôt que de faire l'effort pour trouver la sortie, ils laissent le sujet pourrir. Dans le dernier X-Men, le personnage rentre juste chez lui pour le souper et oublie de revenir. Ici, Dracula a juste une notion assez vague de la deadline. C'est quand même ballot.
La direction artistique est tout aussi molle : pas de parti pris intéressant, d'imagerie qui irait piocher dans le gothique, c'est encore du gros délire dégueulasse en CGI, avec un château qui a été conçu en angle pour mal si tu tombes dessus, de grandes campagnes grises et une armée ennemie estimée à plusieurs centaines de milliers de Turcs, parce que sinon, ça fait pas assez peur. Rien de fantasque ni de réaliste, on reste dans le produit parfaitement calibré pour remplir une fonction, celle de servir un scénario qui fera, au mieux, hausser un sourcil. En prime, on se coltine un méchant pas trèèèès efficace, en la personne de Dominic Cooper, que personne ne trouvera franchement Turc. Pire encore, son incroyable plan maléfique est d'une bêtise si crasse qu'on se demande comment des gens ont pu accepter de l'appliquer. Je ne voudrais pas en dire trop, mais très sincèrement, je me pose des questions sur les officiers turcs. Ils devaient être tous bien défoncés au crack pour valider une stratégie reposant (allez, léger spoil) sur le sacrifice de plusieurs milliers d'hommes, tranquille.

Bon allez, tout ça est assez mauvais, la plupart des gens sur le plateau devait le savoir tant il y a peu d'efforts de fourni pour en faire autre chose. N'en demeure que Luke Evans reste cool tout le long du film, que Tywin Lannister a la classe quoiqu'il fasse - même quand il essaie ardemment de ne pas l'avoir, comme dans la saison 4 de GoT - et que Sarah Gadon est vraiment jolie - mais moins classe que dans Cosmopolis, dommage. Pour le reste, il vaut mieux regarder le long-métrage en y voyant une longue introduction à Castlevania. De toute façon, le film a l'air de tellement en chercher la paternité que ça lui fera au moins un minimum d'honneur ! Et puis faut bien avouer que le film aime bien son personnage, alors du coup, les scènes de baston à un contre cent sont assez cool (à l'exception d'une séquence trop longue dans le reflet d'une épée), du coup, ce serait un peu bouder son plaisir que de rejeter tout en bloc !
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le 8 déc. 2014

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