Le podologue Qui voulait prendre Son pied

Charles B Griffith , fidèle complice de Roger Corman est tout de même l'esprit tordu et génial dont sont sortis les scénarios de L'attaque des Crabes Géants , La Petite Boutique des Horreurs ou La Course à la Mort de l'An 2000 c'est dire si le bonhomme sait faire preuve d'originalité et surtout d'un sens de l'humour assez noir. Sorti en 1980, Dr. Heckyl and Mr Hype dont il assure aussi la mise en scène est une relecture complètement délirante de l’œuvre de Robert Louis Stevenson au point que le film s'excuse platement auprès de l'auteur dès son générique de début. Un film complètement fou et inclassable produit par les Go-Go Boys de la Cannon, une sorte d'ovni parodique souvent considéré comme un très très mauvais film mais bien assez pété du casque pour que je lui trouve quelques honorables qualités.


L'histoire est donc celle du docteur Heckyl un podologue affreusement laid et secrètement amoureux d'une de ses patientes. Un jour il absorbe le breuvage d'un de ses collègue docteur qui permet à l'origine à des femmes rondes de retrouver la ligne en moins de dix minutes. Une nuit l'affreux Heckyl devient donc le beau séducteur Mr Hype, sauf qu'il devient également un être arrogant, suffisant et violent capable de tuer les femmes qui vont le contrarier. Quant à la femme de ses rêves elle va s'avérer finalement bien plus séduite par la touchante fragilité qui se cache derrière le vilain docteur Heckyl que par la beauté de l'horrible Mister Hype.


Le concept de l'inversion de la transformation Jeckyl/Hyde n'est pas une idée très originale en elle même puisque en 1963 The Nutty Professor de Jerry Lewis (Docteur Jerry et Mister Love) proposait déjà les grandes lignes du film de Charles B Griffith avec un type laid qui devenait beau mais détestable. Avec Dr. Heckyl and Mr Hype on pousse les potards de l'absurde et du délire encore plus loin pour proposer un film étrange baignant dans un univers irréel et rempli de personnages absurdes. Dès la première apparition du fameux Dr Heckyl avec ses cheveux crépus en bataille, son gros nez vérolé, ses yeux injectés de sang, ses dents pourris et sa peau de batracien on comprends que le film va jouer la carte de la surenchère et du grotesque. Et l'on ne sera pas déçu car le film nous propose une étrange galerie de personnages avec un savant fou, un mec avec deux pieds droits, un médecin qui soigne en chatouillant ses patientes avec des plumes qu'il utilise parfois comme arme lors de chorégraphies plus ridicules que martiales, un nain noir qui fait du nunchaku, une compagnie de police avec un obèse, des jumeaux et un hindou, un inspecteur aux pieds plats insensible à la douleur et un éboueur schizophrène interprété par l'éternel Dick Miller. Et tout ce petit monde évolue dans un univers assez artificielle de décors de studios, de lumières très colorées digne de Mario Bava, d'effets de fumée et de bruitages débiles de cartoon. Tout est donc fait pour que le film ressemble à une énorme farce déconnectée du réel et que tout semble toujours un peu over the top à l'image de cette femme qui meurt électrocutée en faisant des grimaces avec la langue tirée et les cheveux en l'air. Le genre de concept qui peut devenir parfois très agaçant mais qui dans le cas de Dr. Heckyl and Mr Hype fonctionne plutôt bien.


Le film est aussi porté par un très bon casting avec pour commencer Oliver Reed dans le double rôle de Heckyl et Hype, le comédien est très bon sous le maquillage outrancier du docteur et assez inquiétant dans sa froide stature de séducteur à la mâchoire carrée lorsqu'il devient Mr hype dont l’obsession première reste de perde sa virginité. On retrouve également Jackie Coogan (Éternel Kid de Chaplin) dans le rôle de cet inspecteur de police qui en a tellement vu qu'il est devenu totalement insensible à la douleur. Un flic dont les pieds plats sont deux gros blocs grossiers de chair que notre podologue tente de corriger à la meuleuse électrique ou en les tordant avec des instruments de torture. Et pour terminer en plus de Dick Miller cité plus haut on notera la présence de Mel Welles (La Petite Boutique des Horreur) inventeur de la fameuse potion pour maigrir et de la comédienne Sunny Johnson dont la courte carrière sera surtout marquée par son rôle de bonne copine de Jennifer Beals dans Flashdance. Le film de Charles B Griffith est plutôt bien rythmé et comporte suffisamment de passage drôles et étonnants pour ne pas ennuyer une seule seconde comme ce meurtre avec pour arme une carpette à tête de lion ou quand ces femmes devenues minces comme des bimbos retrouvent soudainement leurs rondeurs. Les transformations sont d'ailleurs plutôt convaincantes avec un effet de mise en scène classique mais efficace de lumière clignotante et stroboscopique avec un montage dynamique laissant apercevoir les changement entre deux flashs de lumière. La première transformation de Heckyl en Hype renforcée par un filtre orange très graphique est à ce titre une vraie réussite. Inutile en revanche de s'attarder sur le message très convenu du film avec la beauté des laids et la laideur des gens beaux.


Dr. Heckyl and Mr Hype avec ses outrances et son humour débilo-cartoonesque sera loin de faire l’unanimité auprès des spectateurs qui le considèrent parfois comme un vulgaire navet (Le film est noté 3,7/10 sur IMDB), mais le film de Charles B Griffith me semble suffisamment honnête dans sa proposition outrancière pour ne pas être considéré comme un accident mais juste comme un agréable dérapage contrôlé.

freddyK
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le 5 juin 2023

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