Douze hommes en colère fait partie des films les plus appréciés du cinéma, tant par la critique que par les spectateurs ; il est aussi l'un des mieux notés sur les différents sites internet permettant la critique de films. Avec cette réputation de chef-d'œuvre, il flotte comme un risque de déception pour le spectateur actuel ; chef-d'œuvre assurément ! Mais est-il un chef-d'œuvre intemporel ?

Douze hommes, douze acteurs (principaux), douze personnalités. Douze avis ? Pas vraiment ! En effet l'on va vite se rendre compte que la pensée collective prend vite le dessus sur les avis individuels avec le film de Sidney Lumet. Cette pensée collective se crée d'abord par la démonstration et/ou l'incompétence d'avocats, par les récits de témoins crédibles ou non à qui l'on a tendance à accorder d'emblée un statut d'irrévocable dont la parole est sacrée (de par leur statut de tierce personne n'ayant aucun rapport à l'affaire si ce n'est leur présence au moment de l'acte). Et l'avis forgé quasi unanimement se renforce par de brèves discussions pré ambulatoires et par l'impatience de retrouver sa vie de non jurés. Citoyen l'être humain ? Tant qu'il n'y a pas un match de foot à voir !
Et puis survient le coup de génie du réalisateur et d'un homme, le personnage incarné par Henry Fonda. Alors que tous pensent l'accusé coupable et donc passif de la peine de mort, l'architecte du groupe vote non coupable. Là où se situe le génie c'est qu'il ne croit pas forcément l'accusé innocent, mais il ne désire pas envoyer ad patres un jeune homme au passé difficile et ce en 5 minutes sans en discuter. De là il va devoir convaincre les autres non pas de l'innocence du présumé meurtrier mais de l'incertitude de sa culpabilité. On en revient à l'éternelle et difficilement soluble question : mieux vaut-il envoyer mourir un innocent que de relâcher un coupable ?

Le renversement commence alors, chaque juré se met progressivement à douter et l'on en revient à la pensée collective lorsque l'on voit les revirements parfois rapides vers la fin lorsque le déséquilibre penche en faveur du "non coupable". Les stratégies mises en place par le personnage d'Henry Fonda fonctionnent bien et s'avèrent ingénieuses : processus de vote anonyme, hommes en colère pris à leur propre piège, démonstration pratique avec des scènes de reconstitution... Une réussite qui contraste avec les tentatives d'intimidation, d'influence par amabilité (cf. scène dans les toilettes), les sarcasmes, les colères... des partisans du "coupable".

Brillant dans ses idées, Douze hommes en colère s'appuie sur un casting parfait, sur une diversité d'hommes, de comportements et de passés qui se retrouvent à devoir s'unifier à travers une idée (l'incertitude de la culpabilité) et non pas un jugement (coupable ou non), qui certes devra être prononcé à la fin mais ne reflètera pas forcément les convictions individuelles de départ (qui se trouvent déconstruites mais restent en état de ruines).
Les thèmes abordés n'en finissent plus de satisfaire le spectateur d'aujourd'hui qui se retrouve pleinement dans cette situation, pas dépaysé par les question de jugement, de civisme, de préjugés, de pression collective voir de peine de mort.

Où quand le cinéma atteint la perfection de son rôle de remise en cause, ou en tout cas d'interrogateur de notre société, et de révélateur de nos comportements.
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le 1 mai 2011

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